Ce mercredi 18 novembre sera examiné au Sénat la proposition de loi relative « au devoir de vigilance des entreprises donneurs d’ordre ». Approuvée en octobre dernier par l’Assemblée Nationale, cette loi « impose aux entreprises d’adopter un plan de vigilance pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement. Leur responsabilité pourra ainsi être engagée devant le juge en cas de manquement à cette obligation de vigilance », nous explique Lætitia Liebert, présidente de l’association Sherpa qui vise à protéger et défendre les populations victimes de crimes économiques.
Une loi soutenue par les associations de défense des droits de l’homme
Malgré un contexte protecteur vis-à-vis des entreprises du CAC 40, la plainte déposée par Sherpa pour faire reconnaître la violation des droits des travailleurs lors de l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza a permis un vote favorable au niveau de l’Assemblée Nationale.
Pour rappel : en avril 2013 l’immeuble du Rana Plaza au Bangladesh où étaient confectionnés des vêtements s’effondrait, faisant plus de 1.000 victimes, dont des femmes et des enfants. Des étiquettes de marques françaises dont Auchan étaient retrouvées dans les décombres.
Sans possibilité encore de faire assumer la responsabilité des maisons mères à leurs filiales et sous-traitants, Sherpa avait déposé une plainte pour « pratique commerciale trompeuse » du fait qu’Auchan communique sur les pratiques éthiques de l’ensemble de sa chaîne de production nous explique encore Laetita Liebert. S’ajoute à cette première action en justice une seconde menée par Sherpa contre Vinci pour « les infractions de travail forcé, réduction en servitude et recel à l’encontre des migrants employés sur les chantiers du Qatar » en vue de la coupe du monde de football de 2022. Vinci est, entre autre, accusé de confisquer les passeports des travailleurs et de les menacer si ceux-ci revendiquent le droit à de meilleurs conditions de travail ou de logement.
Une loi affaiblie mais l’histoire en marche
S’il faut se réjouir que la loi soit adoptée au parlement, il est à noter qu’elle n’est pas aussi forte que l’auraient souhaité les différentes associations. Elle risque par ailleurs d’être encore affaiblie lors du vote au Sénat. En effet, elle ne vise que les grands groupes de 5.000 salariés en France ou 10.000 en France et à l’étranger, et ne concerne donc pas par exemple les entreprises impliquées dans l’effondrement du Rana Plaza.
De plus, dénoncent les ONGs, il n’y a pas de renversement de charge de la preuve : c’est aux victimes qu’il revient de prouver la faute de l’entreprise et le lien de contrôle entre la maison mère et ses filiales et sous-traitants. Sans oublier bien sûr que la loi ne sera réellement effective qu’après un décret d’application, dont l’adoption peut prendre du temps.
Un lobby patronal fort
Cet affaiblissement de la loi est du tout particulièrement au travail de lobbying du patronat, qui estime que « faire une loi franco-française sur ce sujet international, c’est tirer une balle dans le pied de nos entreprises et de leur compétitivité », a ainsi déclaré le patron du MEDEF Pierre Gattaz.
Cependant pour Laetita Liebert cet argument ne tient pas la route, car l’histoire est en marche. Selon un sondage du forum citoyen pour la RSE, un Français sur trois souhaite cette loi et différentes d’initiatives sont prises pour mieux encadrer la responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs filières : dans différents pays (les États-Unis ont ainsi obligé Apple et Boeing à certifier leurs sources d’approvisionnement), au niveau de l’Union européenne, et dans les instances internationales
Au niveau de l’Union européenne, une loi pour mieux réguler le secteur du minerai
Marie Arena, député du Parti socialiste belge souhaite réguler le secteur des minerais afin de mettre fin au secteur dit des « minerais de conflits ». Elle se bat pour que les importateurs et transformateurs d’étain, de tungstène, d’or et de tantale, minerais qui entrent dans la fabrication de nos smartphones, tablettes, composants électroniques de l’industrie automobile, aéronautique et électroménager ne financent plus des groupes armés liés aux zones d’extractions. En effet, « plusieurs études de l’ONU montrent que les groupes armés de la région de l’Afrique des Grands Lacs paient leurs armes grâce à leur commerce de minerais avec des multinationales. Ces échanges marchands seraient en partie responsable du déplacement de 9,4 millions de personnes », explique l’eurodéputée.
Il est maintenant nécessaire que les 28 États membres donnent leur accord afin que l’appui du Parlement pour un encadrement de cette filière soit approuvé par le Conseil européen.
Une demande conjointe de l’Équateur et de l’Afrique du Sud pour des normes internationales contraignantes
Sur le plan des instances internationales, le souffle du changement apparaît aussi. A peine un an après la demande déposée par l’Équateur et l’Afrique du Sud au conseil des droits de l’homme de l’ONU de lancer un processus d’élaboration de nouvelles normes internationales contraignantes sur les entreprises multinationales et les droits humains, une commission a été conviée pour travailler à ce sujet. Cette demande a été soutenue par 85 pays et plus de 500 mouvements et réseaux.
Ainsi même si la route est encore longue, il existe aujourd’hui une « fenêtre d’opportunité historique », selon les associations, pour mettre en place des lois nationales et internationales contraignantes afin que les droits de l’homme et des travailleurs soient respectés et que les échanges commerciaux ne financent plus les conflits.
Illustration bannière : Minerai : du coltan prêt pour l’analyse © Nada B Shutterstock
Tout ca cest du baratin malheureusement 🙁 .Evidemment,qu’on aimerait que les multinationales donnent le ton l’exemple,mais on sait bien que ce genre de loi ne peut passer..nous vivons dans un monde où il faut pietiner l’autre,competitivité; tous les coups sont permis . Nous devrions revoir nos libertes ,c’est là tout le probleme !!!!