Auto-construction, chantiers participatifs, maisons en paille, à ossature bois, « DYI »… le secteur de l’eco construction est en pleine révolution ! Pour décortiquer ces nouvelles tendances, consoGlobe.com a rencontré Julie Barbeillon, rédactrice en chef du magazine La Maison Écologique, lui-même organisateur d’Ecohome, le salon de l’habitat durable et nature qui se tiendra en parallèle du salon Vivez Nature du 23 au 26 octobre, Porte de la Villette à Paris.
Le salon écohome en est à sa 9ème édition. Quelles sont les grandes évolutions que vous avez constatées ces dernières années dans le domaine de l’éco-construction ?
Ce que l’on ressent tout d’abord, c’est qu’il y a de moins en moins de personnes qui construisent ou rénovent. La crise du bâtiment se fait sentir. Même si ça se calme un peu ces derniers mois, beaucoup d’entreprises du secteur et de l’éco construction ont mis la clef sous la porte.
Ce qu’on note ensuite, c’est l’attention portée aux problématiques climatiques et écologiques. On voit aussi une évolution du lectorat et des gens qui « éco-construisent » : il y avait beaucoup de gens il y a quelques années qui souhaitaient comprendre ce que fait l’artisan et trouver un professionnel. Aujourd’hui, la proportion d’auto constructeurs augmente. On s’intéresse de plus en plus aux techniques qui peuvent s’approprier et qui ne demandent pas un outillage énorme ou un degré de technicité extrêmement important, avec des matériaux simples, comme les bottes de paille, les ossatures bois.
Quand on a un est peu bricoleur, c’est bien moins compliqué que la maçonnerie, où on est contraint par la météo ou les temps de séchage. L’isolation par botte de paille marche très bien, mais il y a plein d’autres formes d’isolation qui ont vraiment le vent en poupe.
Est-ce que l’éco-construction c’est plus cher ?
C’est compliqué de répondre. C’est comme pour une voiture, tout dépend du modèle dont vous parlez ! Ça dépend de la taille de la maison. Ceux qui ont des petits budgets peuvent construire un peu moins grand et être plus intelligent dans l’aménagement des rangements et des pièces. Plus généralement, ça dépend du taux de participation des habitants dans la construction (aux finitions, ou bien au second oeuvre, ou à tout…), des équipements (par exemple poêle à bois buche ou chaudière à granulés de bois), mais, au global, on arrive sur certaines constructions à des prix parfois plus bas, parfois similaires, parfois plus élevés, allant de 500 euros le m2 quand on fait tout soi même à 1800 du m2, quand on ne fait rien soi même.
Tenez, des habitats sociaux ont été construits en paille et terre à Bègles, dans le sud-ouest de la France. Sa fourchette de prix est plus basse que ce qui est offert ailleurs dans ce secteur ! Dans l’Est de la France, on trouve aussi un habitat social en paille, c’est l’un des plus hauts immeubles en bottes de paille jamais construit.
Quelles sont les nouvelles tendances de l’eco construction ?
La tendance remarquable de ces dernières années, ce sont les chantiers participatifs. Internet a vraiment libéré la chose, avec des sites où on peut mettre ses commentaires, qui sont de véritables blablacar du chantier. Vous avez par exemple fr.twiza.org, « la plateforme communautaire des chantiers participatifs », où on peut contre des coups de main sur un chantier trouver une ambiance sympa, à manger, un lit, le confort pour rester quelques jours, et parfois être accompagné d’un professionnel, et qui permet d’apprendre.
Le DYI [NDLR : de l’anglais Do It Yourself, que l’on peut traduire par faire soi-même… bref, c’est le bricolage mais dit autrement !] est l’autre grande tendance. Vous allez trouver de petites fiches pratiques pour isoler vous-même votre maison, faire un banc en palettes de bois recyclé, des meubles en carton, votre mobilier à partir d’éléments recyclés.
Par exemple en Bretagne, l’association Aezeo [aezeo.com, un centre de formation en énergies renouvelables] forme les particuliers et les collectivités locales à l’auto-construction en énergies renouvelables. Vous pouvez donc apprendre à construire un panneau solaire, un poêle à bois, et des techniciens de collectivités locales y participent !
Et puis, l’accompagnement à l’auto-construction par les professionnels est une tendance émergente importante. D’ailleurs, au salon Ecohome, nous allons lancer la fédération des accompagnateurs à l’auto-construction. En effet, les gens ont moins d’agent, ils cherchent à faire par eux-mêmes, mais ils se rendent compte qu’ils doivent être accompagnés. Une première démarche, ça peut être d’aller sur un chantier participatif pour rapprendre une technique ou deux, et si on ne se sent pas tt à fait prêt, on peut se faire accompagner.
Et sociologiquement, comment évolue le public des personnes intéressées par l’éco-construction ?
On vient de lancer une enquête de lectorat et on en aura le dépouillement fin novembre. Mais je peux déjà vous dire que ce public est large. Cela va des jeunes de 20 ans qui se projettent déjà dans une future construction, qui cherchent des emplois verts, aux retraités qui démarrent leur retraite et qui veulent construire une maison. Aujourd’hui, il y a clairement un repli, sur le mode « il ne faut pas que je dépense trop ». Or, l’éco construction a encore l’image d’un bâti qui est cher. Le lectorat aujourd’hui est donc plus convaincu et militant et il y a moins de curieux qui regardent à l’éco-construction par mode.
Plus d’infos :
Le Salon Ecohome du 23 au 26 octobre 2015.
Le magazine La maison écologique est un bimestriel édité depuis février 2001, couvrant les thématiques de l’éco-construction, de l’éco-rénovation, des énergies renouvelables chez soi, entre autres, et le tout dans une approche très pratique. Site : lamaisonecologique.com
Bonsoir,
ne pourrions nous pas envisager de transporter ces matériaux depuis nos voisins allemand et revendre au prix juste ?
François et madame M. devrait pouvoir en blaguer…
Le problème c’est que la conscience citoyenne par rapport à l’éco-construction est toujours sous-développée. Les gens achètent bio quand il s’agit de nourriture et, le cas échéant, de produits hygiéniques et cosmétiques, mais ils se posent rarement des questions sur l’incidence des matériaux utilisés dans l’habitat sur leur santé. Par ailleurs, les matériaux bio restent un produit de luxe. Il n’y a que les enseignes bio qui les proposent. Souvent, c’est des produits importés de l’étranger, notamment d’Allemagne où chaque distributeur ajoute sa marge. J’ai ainsi trouvé un colle à joint sans solvants qui coûtent 13 € à Paris alors qu’elle ne coûte que 2,34 € en Allemagne, pays de provenance. Le marché des matériaux du BTP est fortement dominé par quelques groupes d’industriels qui n’ont pas la fibre bio et ne proposent pas ces produits aux artisans qui ne les connaissent pas. Il manque finalement de la part des autorités publiques une vraie politique de développement des matériaux sains. Les procédures de certification sont extrêment longues et coûteuses ce qui décourage les petits producteurs de matériaux. Les assurances n’assurent pas leur mise en oeuvre. Il faut un vrai changement de mentalités pour que l’éco-construction se généralise, pour notre bien et celui des artisans qui doivent travailler avec des matériaux souvent néfastes à la santé au jour le jour!
la différence de prix entre écoconstruction et conventionnel tient Beaucoup à la mise en oeuvre. L’autoconstruction est plus éconmique mais elle ne fonctionne que pour des maisons pas trop grandes, rarement pour des immeubles.
Pourtant la solution à long terme pour faire des économies est de développer l’habitat collectif en petites unités – disons moins de 25 logements par immeuble – et l’habitat participatif qui responsabilise les occupants, propriétaires ou locataires, afin de limiter les coûts de maintenance et de fonctionnement, qu’on oublie le plus souvent. Sur 40 ans, la construction ne représente qu’environ 25% du coût total d’un immeuble
Les écomatériaux sont encore aujourd’hui plus chers que par exemple le béton et le polystyrène. Les taux d’emprunt sont bas mais les durées sont limitées. Si notre gouvernement avait voulu lancer le pays dans une vraie transition énergétique, en faire un projet national, il aurait incité les banques à faire des prêts sous éco-conditionnalité. Malheureusement ce n’est pas le cas. C’est un manque de courage et une erreur économique.