Imaginez un futur où une énorme imprimante 3D mesurant 30 mètres de long, 10 mètres de large et 6 mètres de haut viendra vous construire en quelques heures la maison de vos rêves, voire un bâtiment entier, des murs aux tuyaux, et le tout à partir essentiellement de matériaux recyclés. Rapide, écologique, sur mesure, et peu cher… Cette vision est en passe de devenir réalité pour le grand nombre.
L’impression 3D est une technologie qui séduit de plus en plus de secteurs, qu’il s’agisse de la médecine, de l’aéronautique, de l’automobile, du design, et aujourd’hui du BTP. Dans le domaine du bâtiment, cette technologie possède de tels avantages qu’elle pourrait révolutionner ce secteur et devenir incontournable pour les architectes, les promoteurs, les constructeurs, et les bureaux d’études.
Impression 3D : la construction de bâtiments à base de matériaux recyclés
La société chinoise WinSun Decoration Design Engineering Co a défrayé la chronique début 2014 en construisant 10 maisons en moins de 24 heures à partir d’un matériau hybride à base de ciment classique, de matériaux recyclés provenant de déchets industriels et de fibre de verre et de résidu minier.
Si le plastique est le matériau le plus souvent associé à l’impression 3D, il est bien peu écologique. Le premier intérêt du recours à l’impression 3D pour la construction de bâtiments, c’est en effet la possibilité d’utiliser des matériaux recyclés. Ce qui lui permet d’arborer un caractère durable et écologique, tout en respectant les normes de constructions.
Après son exploit début 2014, la société Engineering Co a construit le premier immeuble de 5 étages et une villa de 1100 mètres carré par impression 3D, en utilisant le même type de matériau. En plus d’utiliser des matériaux recyclés, lors de la construction les substances toxiques ont été filtrées, les murs sont renforcés avec de l’acier, et les normes de constructions (chinoises) sont respectées et le bâtiment est résistant aux tremblements de terre. D’autres sociétés ont renouvelé depuis l’exploit.
Contour Crafting : construction d’un bâtiment en un bloc
Le professeur Behrokh Khoshnevis de l’Université de Caroline du sud a développé en 2014 un prototype de robot géant capable de construire une maison en 24h. Contrairement au procédé de construction de la société WinSun qui assemble des pièces détachés qui sont imprimées au préalable, le Contour Crafting [1] développé par le professeur Khoshnevis permet d’imprimer un bâtiment de 225m² en un bloc.
En termes de qualité, la structure imprimée se révèle plus solide qu’une structure traditionnelle. Selon Contour Crafting, les murs testés ont une résistance de plus de 68.900 kPa, contre 20.684 kPa en moyenne pour un mur normal.
De plus, l’impact écologique est réduit grâce à :
- L’utilisation des ressources exactement nécessaires à la construction, ne laissant donc pas de surplus ;
- Une consommation d’énergie réduite sur toutes les activités de construction, et le recours à de l’énergie verte ;
- Une optimisation et donc réduction des transports d’équipement et de matériaux.
Certes, même si le matériau utilisé pour le Contour Crafting reste en majeure partie le béton à prise rapide, il est théoriquement possible d’utiliser des matériaux recyclés à faible empreinte écologique (déchet recyclés, sable, gravier, argile, bois…) avec des propriétés isolantes très appréciées comme c’est le cas du sol en liège à coller ou encore de la laine minérale, faciles à poser, et qui peuvent entrer dans le concept des maisons en 3D, fiables et rapides à poser.
Une conformité aux normes qui reste à prouver pour l’Europe
Certes, la possibilité de transformer des déchets en matériaux de construction est un argument écologique et économique. Cependant, comme le fait remarquer Thierry Langlois, directeur de la branche immobilier de Vivastreet.com, « Le matériau est un mélange de ciment et de déchets de construction faits de béton, de sable et de verre. Et il est sans doute peu conforme à la législation en vigueur dans les pays occidentaux… Le BTP requiert des matériaux qui obéissent à des contraintes techniques et environnementales importantes. »[2]
Ainsi, la fiabilité de ce type de matériau dit écologique, amène à se poser des questions sur la possibilité de leur utilisation en Europe. L’adoption de ce type de technologie en Europe, nécessite encore de tester au préalable la durabilité et la résistance des matériaux.
Des coûts réduits pour des logements abordables
Néanmoins, il serait judicieux pour l’industrie européenne de se pencher sur la question, l’impression 3D dans le BTP pouvant représenter à terme une solution à la crise du logement à travers le monde, en offrant la possibilité à des millions de personnes de devenir propriétaire, ou simplement d’avoir un toit. Les coûts sont en effet également réduits.
Du fait de l’utilisation de matériaux recyclés, de ressources moindres au niveau énergétique, matériel et humain, les professionnels de l’immobilier peuvent réduire drastiquement les coûts de construction. Jusqu’à 50 % à 80 % selon la société WinSun, ce qui lui permettrait de proposer une maison imprimée à moins de 3 500 euros [3].
A partir d’argile, de sable… construction rapide en zones sinistrées
Grâce à la rapidité du processus de construction, le fait de déployer des imprimantes 3D peut aussi apporter des solutions aux pays sinistrés requérant des logements d’urgence ou de reconstruction. La D-Shape [4], l’imprimante 3D créée par l’italien Enrico Dini, serait ainsi capable de créer un bâtiment 100 % écologique, à partir de fines couches de sables (n’importe quel sable) et d’un liant minéral.
Certaines sociétés spécialisées dans l’imprimerie en 3D innovent en ayant pour objectif de construire des habitations respectueuses de l’environnement. C’est le cas notamment de la société italienne WASP (World’s Advanced Saving Project) qui met à profit l’utilisation de ressources naturelles trouvées dans la zone périphérique du lieu de construction.
Ainsi, son imprimante 3D BigDelta est capable, entre autre, d’imprimer en 3D une maison avec de l’argile et de solidifier la structure en incorporant des graines d’herbes indésirables.
Des bâtiments divers et modulables
L’un des attraits de la construction de maison par impression 3D est la possibilité de personnaliser selon ses envies, grâce à la simple modification d’un fichier informatique. Cette technologie permet aussi d’imaginer d’autres possibilités de personnalisation, comme le fait de pouvoir incurver les murs par le système d’impression 3D par jet. Mais même, s’il est possible d’imprimer quasiment (en théorie) tous les éléments d’une maison (canalisation, isolation,…), il reste possible d’ajouter ultérieurement des éléments de construction plus classique. L’impression 3D libérera aussi votre créativité pour répondre au mieux à vos besoins !
[1] http://www.contourcrafting.org/
[2] http://www.businessimmo.com/contents/55581/la-3d-va-t-elle-bientot-accoucher-d-une-revolution-dans-le-batiment-et-l-immobilier
[3] http://lci.tf1.fr/monde/asie/imprimantes-3d-une-revolution-immobiliere-8408719.html
[4] http://www.d-shape.fr/technologie
illustration : © http://www.contourcrafting.org/