La question n’a rien à voir avec Don Quichotte. La loi Climat vient de soulever à l’Assemblée Nationale comme au Sénat la question du sort des moulins à eau. Bien souvent des héritages du temps passé, des pièces du patrimoine architectural. Mais faut-il ou non les préserver quand on parle de préserver notre patrimoine naturel, telle est la question.
Moulins à eau sur les rivières de France – Un amendement voté contre l’avis du gouvernement
Et le sujet ne manque pas de faire des vagues. Est-il vraiment utile, nécessaire, de détruire les moulins à eau pour restaurer la biodiversité des cours d’eau ? Un loi votée il y a quelques années de cela incite en effet les pouvoirs publics à restaurer « la continuité écologique des cours d’eau », comme le demande également une directive européenne.
Ceci afin de garantir « la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri »
Des moulins à eau, il en existe en fait des milliers un peu partout en France, dont il faudrait détruire les seuils conçus pour créer de l’énergie, de la pression en retenant l’eau. Mais un amendement parlementaire propose, contre l’avis de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, de « définitivement exclure la possibilité de financer la destruction des retenues de moulins ».
Le Sénat est allé dans le même sens que l’Assemblée, entérinant un « principe de non-destruction des moulins à eau ».
Améliorer la continuité écologique des cours d’eau sauvages
Les associations de défense des moulins ne sont pas convaincues de la nécessité écologique de leur destruction. De son côté, France Nature Environnement (FNE) estime que les gains sont insignifiants en termes d’énergie décarbonée.
Dans un communiqué, l’Association du réseau des rivières sauvages a également pris position. Pour elle, l’amendement adopté par l’Assemblée Nationale interdisant le financement public de la suppression des moulins à eau, y compris les seuils et barrages laissés à l’abandon « va à l’encontre de la mission du label Sites Rivières Sauvages visant à améliorer la continuité écologique de nos cours d’eau sauvages ».
Selon elle, empêcher la destruction des seuils et barrages laissés à l’abandon représente un réel risque pour la biodiversité ordinaire comme protégée.
« Il est important de faire comprendre aux élus qu’enlever un seuil ne signifie pas que l’on détruit un moulin, dont la valeur patrimoniale nous est également chère. Les ouvrages qu’il arrive aux porteurs du label d’enlever, sont souvent des ouvrages à l’abandon, qui pourraient faire courir un risque aux populations qui n’utilisent plus la force hydraulique ou qui gênent fortement la continuité écologique », explique Jérémy Pourreau, chargé de mission GEMAPI au sein du Syndicat Mixte Doubs Dessoubre.
Pour rappel : Une espèce de poisson sur cinq est menacée d’extinction dans nos rivières
Moins de 0,2 % de la production annuelle d’électricité
De son côté, le collectif Rivières naturelles estime que « ce texte est un naufrage pour la politique de protection de l’Environnement », et a lancé une en ligne pour « protéger les rivières d’une nouvelle menace ».
Il rappelle qu’il existe « un minimum de 80.000 barrages, seuils, obstacles divers sur les rivières de notre pays, dont environ 285 grands barrages hydroélectriques. En conséquence, il reste à peine 1 % de cours d’eau en ‘ très bon état écologique ‘, libres de toute intervention humaine ».
Ainsi, en France, les anciens moulins producteurs d’hydroélectricité (pico hydraulique) produisent moins de 0,2 % de la production annuelle d’électricité. Selon ce collectif, « enrayer la restauration des cours d’eau en facilitant démesurément l’équipement de la petite hydroélectricité est en contradiction totale avec les orientations environnementales et les investissements publics menés depuis plusieurs décennies. Leurs impacts sur les milieux aquatiques sont largement démontrés par la communauté scientifique, au regard de la production d’électricité générée ».
Pour l’instant et en attendant, l’eau continue de couler sous les roues des moulins !
Pour en savoir plus et signer la pétition, rendez-vous ici
Rivières et rivaux – les frontières de l’eau, de Vazken Andréassian et Jean Margat
L’histoire des civilisations anciennes fourmille de rivalités liées à l’accès à l’eau, qui désaltère les assoiffés, irrigue les champs, fait tourner la roue des moulins, sert de fortification et matérialise les frontières.
Qu’en est-il aujourd’hui ?