« Ma vie, c’est la mer, lâche Daniela Zeppilli dans un éclat de rire, et sûrement pas la montagne ! » Les skieurs et autres alpinistes feront grâce de l’affront à cette scientifique de 35 ans, au sourire aussi chantant que son patronyme. Le regard pétillant et l’accent prononcé, elle porte fièrement ses origines italiennes… et marines !
Elle vient d’Ancône, sur la côte Adriatique. Et ceci explique cela : « Je savais depuis toute petite que j’allais faire quelque chose avec la mer », tranche-t-elle avec un clin d’oeil. Les pronostics de la petite Daniela s’avèrent exacts, puisqu’aujourd’hui, elle est devenue la respectée Docteur Daniela Zeppilli. Après un cursus universitaire pointu dans la bio faune et la bio marine, plusieurs voyages de recherche, elle s’installe finalement à Brest, comme chercheuse à l’Ifremer. Car Daniela Zeppilli est désormais une spécialiste reconnue des nématodes.
Les nématodes : un animal modèle
« Ça a l’air moins fascinant que les dauphins ou les baleines, mais c’est passionnant », assure-t-elle en souriant. Et de fait, quand la scientifique en parle, on veut bien la croire. Les nématodes sont de microscopiques vers qui vivent dans les fonds marins. Ils sont « très costauds, dans tous les environnements ».
« C’est un animal modèle, explique la chercheuse, on apprend beaucoup sur les limites de la vie en les étudiant. Ils sont très proches des humains, notamment dans leur système immunitaire. Ils sont très importants au niveau fonctionnel », explique-t-elle. Et pour cause, ces petites bêtes sont notamment utilisées dans la recherche des antibiotiques.
Ce que Daniela Zeppilli étudie plus précisément, ce sont les dialogues entre les nématodes et les bactéries : « ces interactions produisent les péptides antimicrobiens. » Devant le haussement de sourcil, la scientifique éclate de rire. « Ce sont tout simplement des protéines ! » Concrètement, les nématodes offrent la perspective de découvrir de nouveaux traitements médicamenteux. Puisqu’à partir de là, on peut découvrir des molécules essentielles à la production d’antibiotiques.
Un dernier ver pour la science ?
Les nématodes sont donc primordiaux pour l’homme. Et pourtant, aujourd’hui, ces minuscules créatures sont menacées par un prédateur moderne, créé par l’homme lui-même : la pollution. « Les nématodes sont touchés, mais on ne les considère pas parce qu’ils sont tout petits, déplore Daniela Zeppilli. Quand un sanglier meurt à cause des algues vertes, l’opinion s’en émeut, mais ces vers de mer microscopiques, personne ne les connait… »
Les nématodes sont menacés entre autres par les microplastiques qui polluent les fonds marins et qu’ils ingèrent. Or les nématodes sont les proies d’animaux plus gros, lesquels sont eux-mêmes la cible de bêtes supérieures en taille. Il risque donc d’y avoir « une réaction en cascade qui chamboulerait toute la chaîne alimentaire ». Les plus gros poissons risquent d’être intoxiqués à long terme par ces microplastiques.
Pour les nématodes en eux-mêmes, paradoxalement, ce n’est pas « si alarmant, parce qu’ils s’adaptent partout et survivent à des conditions extrêmes ». Au fond, c’est pour l’homme que c’est le plus inquiétant car « on détruit des animaux que l’on ne connaît pas encore », raconte la chercheuse. En effet, toutes les espèces de nématodes n’ont pas encore été découvertes. « C’est un groupe animal qui nécessite beaucoup de temps, il y a peu d’écoles qui les étudient », explique Daniela Zeppilli.
Daniela Zeppilli, au nom de la mer
La scientifique est à la tête d’un projet dit « microplastiques » à l’Ifremer, qui vise à trouver des solutions pour régler ces problèmes fondamentaux. Son temps se partage donc en différentes phases de travail. « Il y a beaucoup de labo, avec de la microscopie et de l’extraction de la faune. » Mais la jeune femme ne tient pas en place et tient à effectuer régulièrement des « embarquements avec l’utilisation de robots sous-marins, pour étudier les nématodes ».
Cela l’amène à effectuer de longs voyages marins et sous-marins. « Quand on découvre des fonds marins que personne n’a vus, c’est la même sensation que de marcher sur la lune », raconte cette enthousiaste scientifique.
Mais loin de l’image du scientifique perché dans sa tour d’ivoire, Daniela Zeppilli travaille également avec le grand public : « J’aime beaucoup ce rapport, c’est un autre niveau de communication, très important pour amener les gens à être plus sensibles à ces problématiques. »
Daniela Zeppilli est une amoureuse inconditionnelle des fonds marins. Elle assène sans hésiter : « Je travaille beaucoup, mais j’aime tellement ce que je fais, que ça ne me dérange pas. La mer est ma passion. » Aujourd’hui, elle est en passe de devenir une des meilleures ambassadrices de la défense des océans.