Les espèces invasives sont un problème de plus en plus pris en compte dans les politiques de gestion environnementale, même s’il reste énormément de travail à faire sur le sujet. Si la chose est vraie chez nous, les espèces invasives sont aussi une triste réalité dans tous les autres pays du globe, notamment au Chili avec nos bien connus bourdons.
Le bourdon de Patagonie ou « souris volante »
Le bourdon de Patagonie (Bombus dahlbomii), qui a son aire de répartition jusqu’au Chili donc, est aussi appelé « souris volante » dû à sa taille qui peut atteindre jusqu’à trois centimètres pour les reines.
Comme toutes les autres espèces de bourdons de notre planète (il en existe 250 différentes) ce bourdon est un pollinisateur qui joue un rôle crucial dans la chaîne alimentaire en plus de polliniser de nombreuses plantes.
L’agriculture à l’origine du problème
Au début des années 80, plusieurs centaines de reines ont été importées pour mettre en place des colonies afin de polliniser les cultures, principalement des colonies de Bombus terrestris. Mais le phénomène a perduré dans le temps avec de plus en plus d’importations de spécimens estimées à environ un million sur les vingt dernières années… Et ce, pour être dispersés autant dans les champ que dans des serres pour des cultures telles que l’avocat, la tomate ou encore le bleuet(1).
Pourquoi nos bourdons sont-ils envahissants ?
Ce sont principalement deux bourdons européens qui sont ici à l’origine de l’invasion, Bombus ruderatus et Bombus terrestris. Plus efficaces que leurs cousins locaux Bombus dahlbomii, ils sont directement en compétition pour la nourriture, laissant peu de chances aux bourdons historiques de garder leur place.
Cette compétition alimentaire faisant perdre de plus en plus de terrain aux Bombus dahlbomii ces derniers voient leurs effectifs diminuer au point de mettre gravement en péril la survie de l’espèce. Le phénomène est identique en Patagonie et en Argentine.
Le peuple Mapuche, peuple indigène du Chili, vénère littéralement Bombus dahlbomii qui, dans leur culture, est un animal qui transporte les morts. Malgré de nombreuses actions pour tenter de protéger un animal lourd de représentation pour eux, le gouvernement chilien n’a pas encore engagé d’action pour la défense de l’espèce.
Une responsabilité européenne
Le principal producteur/éleveur de bourdons à des fins commercial est l’Europe. On peut ainsi citer des pays comme la Belgique ou la Slovaquie sur notre continent et qui produisent des millions de bourdons destinés à polliniser nos cultures que ce soit chez nous…. Ou partout dans le monde.
Si des pays comme Israël produisent également de tels « colonies », la responsabilité de l’impact que peut avoir une telle commercialisation est à réfléchir de toute urgence. Non pas que la démarche n’ait pas un intérêt, notamment et surtout chez nous et au regard de l’effondrement de nos propres pollinisateurs, mais parce qu’elle est totalement contre-productive à l’export.
L’importation, en Amérique du sud, de telles colonies menace désormais 26 espèces de bourdons locaux ! Faut-il attendre que les différents pays d’Amérique du sud en interdisent l’importation ou faut-il que l’Union Européenne prenne les devants en interdisant leur exportation afin de prendre nos responsabilités environnementales à la source ? La biodiversité à l’autre bout du globe ne mérite-elle pas la même attention que celle bien de chez nous ?