Nuisances sonores : quand l’anthropophonie menace la biodiversité

Les nuisances sonores sont l’un des effets secondaires peu discutés de l’ère industrielle. La surabondance de sons engendrés par l’activité humaine s’avère être une menace pour la biodiversité, affectant la faune et la flore à des niveaux qu’il est difficile d’appréhender. 

Rédigé par Stéphanie Haerts, le 27 May 2023, à 18 h 32 min
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Des baleines échouées sur les plages, déboussolées par les sons du trafic maritime aux oiseaux perturbés par la cacophonie urbaine, l’influence délétère des sons anthropiques sur la biodiversité ne se limite pas à l’environnement marin. Ces nuisances sonores ont des répercussions sur tous les écosystèmes, terrestres et marins, et affectent notre faune et notre flore de manières inattendues.

L’effet dévastateur des bruits humains sur la faune terrestre

Les sons anthropiques perturbent la communication entre les animaux, affectant ainsi leur comportement. Comme l’explique Charlotte Curé, bio-acousticienne, interrogée par le magazine Kaisen(1), « la biodiversité terrestre est toujours touchée par les sons anthropiques ». Les bruits forts et continus peuvent stresser les animaux, entraîner une perte d’audition et perturber leur comportement, comme la répartition sur le territoire, la reproduction et les habitudes alimentaires.

En guise d’illustration, les chauves-souris qui utilisent des ondes sonores pour naviguer peuvent chasser trois fois plus longtemps que d’habitude ou réduire leur terrain de chasse d’un quart lorsqu’elles sont exposées à des bruits anthropiques. Cependant, certaines espèces parviennent à s’adapter en modulant leur fréquence sonore pour échapper au vacarme humain.

Lire aussi – Le bruit, un supplice pour les animaux

Les plantes, victimes silencieuses des bruits humains

Les effets néfastes du bruit anthropique s’étendent également au monde végétal, souvent négligé dans ces considérations. Selon la bio-acousticienne du CNRS, Isabelle Charrier, les nuisances sonores ont un impact indirect, mais réel sur la flore. En fait, les oiseaux, perturbés par le bruit, peuvent quitter certaines zones, causant un déséquilibre dans l’écosystème. Ces oiseaux jouent un rôle majeur dans l’équilibre de notre biodiversité, en dispersant les graines, en pollinisant et en contrôlant les populations d’insectes nuisibles pour les plantes. Leur absence, causée par la perturbation sonore, peut donc avoir un effet dévastateur sur la santé et la propagation des espèces végétales.

Il est également fascinant de noter que certaines plantes semblent présenter une sensibilité directe au son. Prenons l’exemple de l’Onagre bisannuelle, une espèce qui a la capacité unique de modifier la concentration de sucre dans son nectar en réponse aux sons produits par les ailes de ses pollinisateurs. Cette interaction sonore précieuse pourrait malheureusement être perturbée par les bruits anthropiques. Si les sons humains se mêlent à ceux des pollinisateurs, la plante peut ne pas reconnaître le signal et ne pas réagir de manière appropriée, compromettant ainsi le processus de pollinisation. Ainsi, les plantes, bien que silencieuses, subissent elles aussi les répercussions de notre bruit.

Onagre bisannuelle

Diminuer l’impact des bruits humains

La recherche scientifique s’emploie à trouver des stratégies pour atténuer l’impact des bruits humains sur la biodiversité. Parmi ces stratégies, l’urbanisme écologique s’affiche en première ligne. Il s’agit notamment de végétaliser les villes, un procédé qui, en plus de contribuer à la lutte contre le changement climatique, peut aider à limiter la diffusion du son. Selon Isabelle Charrier, d’autres alternatives existent, telles que la réduction de la vitesse des transports sur terre et en mer, l’utilisation de rideaux de bulles sous-marins pour contrer la propagation sonore lors de travaux maritimes, ou encore l’érection de murs anti-bruit dans les zones urbaines.

Si les instances politiques commencent à prendre en compte ces enjeux, les mesures adoptées restent encore insuffisantes. La directive européenne 92/43/CEE a certes affirmé la nécessité de préserver les habitats naturels et la faune et la flore sauvages, et des réglementations plus récentes ont conduit à l’évaluation de l’impact sonore des projets de construction sur la biodiversité. Cependant, comme le souligne Charlotte Curé, ces consultations ne sont pas obligatoires et la priorité reste souvent donnée à l’économie plutôt qu’à l’environnement. Il est donc nécessaire de poursuivre les efforts pour faire entendre la cause environnementale et instaurer des mesures plus contraignantes.

Lire aussi – L’intelligence des oiseaux menacée par le bruit des humains

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Rédactrice dans la finance, l'économie depuis 2010 et l'environnement. Après un Master en Journalisme, Stéphanie écrit pour plusieurs sites dont Economie...

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