Orques du Marineland d’Antibes : entre promesses non tenues et transferts controversés

Fermé depuis janvier 2025, le Marineland d’Antibes cristallise les tensions autour du sort de ses derniers cétacés. Malgré la loi de 2021 interdisant leur captivité à des fins de divertissement, aucun sanctuaire n’a encore vu le jour pour accueillir orques et dauphins.

Rédigé par , le 10 Apr 2025, à 10 h 49 min
Orques du Marineland d’Antibes : entre promesses non tenues et transferts controversés
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Entre décisions judiciaires, rapports controversés et pressions citoyennes, le gouvernement tergiverse. Les transferts envisagés vers l’Espagne inquiètent ONG et vétérinaires. À l’approche de l’échéance légale, le sort de Wikie, Keijo et des douze dauphins demeure en suspens.

Un dilemme gouvernemental au coeur du Marineland

Le 5 janvier 2025, le Marineland d’Antibes, plus grand parc zoologique marin d’Europe, fermait ses portes au public. Une fermeture attendue, précipitée par la loi française du 30 novembre 2021 relative au bien-être animal, interdisant à partir de décembre 2026 la détention de cétacés en captivité à des fins de divertissement. Pourtant, à ce jour, l’avenir des orques et des dauphins captifs du parc reste un casse-tête que le gouvernement français peine à résoudre. Un imbroglio mêlant urgence logistique, vide politique et scandale éthique, dans lequel l’État tente de ne pas se noyer.

Avec ses deux orques encore en vie – Wikie, 24 ans, et son fils Keijo, 11 ans – ainsi que douze dauphins, le parc cherche une issue de secours. Dès février 2025, la direction déposait une demande de transfert vers deux parcs espagnols. Motif invoqué : l’urgence. Les contrats des soigneurs expirent à la mi-avril 2025, et sans personnel qualifié ni entretien des infrastructures, le bien-être des cétacés serait en péril.

Mais le gouvernement est pris dans son propre filet. Car la loi de 2021 promettait une alternative crédible à la captivité. En janvier 2024, une décision judiciaire interdisait tout transfert avant l’issue d’une expertise vétérinaire ordonnée à la suite d’une plainte de l’association One Voice. Ce rapport, publié début avril 2025, conclut que les infrastructures du parc sont conformes et que les spectacles joueraient un rôle de « stimulation mentale » bénéfique. Une démonstration jugée grotesque par les défenseurs des animaux.

Marineland d’Antibes : des morts qui dérangent, des rapports qui anesthésient

Dans le détail, l’expertise révèle cependant une série de graves dysfonctionnements. L’orque Moana, morte d’une septicémie en octobre 2023 à l’âge de 12 ans, avait passé 107 jours sous antibiotiques, 31 sous corticoïdes, 36 sous antidouleurs et 21 sous antifongiques. Inouk, 23 ans, décédé en mars 2024 après avoir ingéré un ressort métallique, n’a pas eu droit à un sort plus digne. Des morts qui devraient sonner l’alerte, mais que certains préfèrent étouffer sous un jargon aseptisé.

L’ONG One Voice, en première ligne de cette lutte depuis des années, dénonce des conclusions « bourrées de platitudes ». Pour l’association, permettre le transfert des orques vers d’autres bassins bétonnés reviendrait à trahir « l’esprit de la loi de 2021 ».

Sea Shepherd vent debout contre le transfert des orques du Marineland vers l’Espagne

Face à cette inertie étatique, l’ONG Sea Shepherd France entre en scène avec une proposition spectaculaire : cinq millions d’euros, immédiatement mobilisables, pour maintenir les orques à Antibes jusqu’à ce que des sanctuaires adaptés soient disponibles. « Du jour où les animaux seront sur le territoire espagnol, la France n’aura plus aucune emprise sur leur destin », prévient l’ONG dans une lettre ouverte à la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui a recueilli 91 000 signatures.

Dans ce bras de fer, Sea Shepherd clame haut et fort : « Nous mettrons tout en oeuvre pour empêcher ces transferts de la honte ». Pour le gouvernement, impossible de feindre l’ignorance. En 2021, la secrétaire d’État à la Biodiversité de l’époque, Bérangère Abba, affirmait que « l’État accompagnerait la reconversion des parcs et le transfert des animaux vers des sanctuaires adaptés ». Trois ans plus tard, les sanctuaires promis n’existent toujours pas. Cinq projets ont été recensés en 2024, aucun n’est opérationnel à ce jour.

Un transfert qui marquerait la fin d’un engagement ?

Sous couvert de « solution transitoire », le ministère envisage désormais un départ vers l’Espagne « en attendant ». Une manoeuvre que les associations qualifient de diversion. La réalité, c’est qu’un tel transfert signifie le lâcher prise de l’État français. Une fois les cétacés hors de son territoire, toute régulation échappe à Paris. Dans un contexte de désengagement politique, c’est un aveu d’impuissance que ni les ONG ni les citoyens n’acceptent.

Car ce débat ne concerne pas uniquement deux orques et douze dauphins. Il incarne un basculement sociétal. Faut-il encore, en 2025, maintenir des cétacés dans des bassins chlorés au nom d’une vision éducative périmée ? Les spectateurs désertent, la loi évolue, les consciences aussi. Mais les animaux, eux, attendent.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. C’est à One Voice, greenpeace, sea shepperd, la LPO, LFI et EELV de se débrouiller pour l’avenir de ces orques et à personne d’autres! Quand on met en place une loi débile, on l’assume

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