L’enthousiasme parmi les participants au sommet du gouvernement ouvert, organisé par la France à Paris, jeudi 8 et vendredi 9 décembre, était palpable : donner accès aux données publiques permet de rendre l’action publique plus transparente, donc plus intègre et d’y associer les citoyens dans une approche collaborative fructueuse. Et le développement des outils informatiques permet d’accélérer ce mouvement. Mais, comme pour beaucoup d’outils, le discours qui accompagne leur déploiement peut sembler exagérément enthousiaste. Comme l’a montré le débat entre experts réunis sur le sujet lors de la conférence.
Les outils numériques participatifs doivent apprendre de leurs aînés
David Prothais, fondateur de la start-up Electic Experience spécialisée dans l’animation de débats numériques et basée à Marseille, se rappelle avoir « vu arriver ce vocable des civic tech et ce foisonnement d’outils » et constate qu’effectivement « depuis cinq ans, il y a un tournant ». Il invite toutefois à prendre du recul, les relations entre démocratie et numérique ne se résumant pas à l’accélération récente.
Il faut même remonter, selon lui, à la cybernétique développée après la seconde guerre mondiale : « Avec le développement de la cybernétique, dans les années 1950 se développe la croyance selon laquelle le calcul pourra amener des machines à gouverner. C’était une vision très rationaliste qui s’est essoufflée du fait de la difficulté ». L’enseignement clé à en tirer pour aujourd’hui : « la politique ne se résume pas à résoudre des problèmes, mais à faire des choix profondément humains ».
Les années 1970 apportent un autre enseignement : l’enthousiasme des promoteurs de nouvelles formes d’engagement ne rencontre pas forcément l’intérêt des citoyens. À cette époque, rappelle-t-il, « certains réseaux de télévisions locales câblées aux États-Unis ont permis les premiers échanges entre municipalités qui diffusaient les séances de réunion des municipalités, avec la même envie que l’on voit aujourd’hui de s’affranchir des canaux habituels. Mais déjà dans les 1970, ces choses-là se sont essoufflées » sans susciter de leçons.
25 ans après l’avènement de l’internet, où en est la démocratie électronique ?
« Les civic tech risquent de s’essouffler, prévient David Prothais, si on veut faire croire que le big data permettra de prendre des décisions. Le big data permet d’aider la prise de décisions, par exemple à Chicago où il aide à la dératisation, mais ce n’est pas ça qui va révolutionner la démocratie », observe-t-il.
Car ceux qui veulent développer des outils numériques participatifs, qui invitent les gens à donner leur avis à tout prix, alors qu’ils n’en ont ni le temps, ni forcément l’envie, se trompent. Selon lui, « le mal est plus profond ».
Les utopies démocratiques des premiers temps d’internet ont été battues en brèche du fait des monopoles qui s’installent sur la toile. « Internet n’a pas réussi à transformer durablement notre rapport à la politique », conclue-t-il.
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Outils numériques participatifs : des avancées démocratiques très concrètes