Outils numériques participatifs : des avancées démocratiques très concrètes
Pour autant, l’espoir est permis par l’utilisation de la puissance de ces outils numériques participatifs, par les associations et les collectivités locales.
Janice Thompson, activiste à Chicago, témoigne de leur pouvoir de mettre les citoyens « en capacité ». C’est le fameux « empowerment » que l’on ne semble pas capable de traduire en français.
À Chicago, une ville organisée autour d’une mairie très puissante, la mobilisation des données numériques change le visage de la ville. Illustration : l’initiative School Cuts, qui a permis face aux velléités de la mairie, d’éviter la fermeture de nombreuses écoles en démontrant par la collecte des données des parents d’élèves la situation telle qu’elle était réellement plutôt que prétendue par les autorités municipales.
Autre exemple : le site My building doesn’t recycle, qui permet aux citoyens de dénoncer les bâtiments pour lesquels la mairie ne met pas à disposition de moyens de recycler. Ou encore l’initiative Petcoke : les voisins d’une décharge à ciel ouvert de déchets polluants liés à l’industrie OKpétrolière pouvaient partager par texto des alertes dans le but de prévenir la communauté des concentrations de particules dans l’air. Un an après le lancement du dispositif, le site était fermé.
Les outils numériques, chez nous aussi
Plus près de chez nous, la métropole de Nantes a aussi de plus en plus recours aux outils numériques participatifs pour identifier des problèmes le plus rapidement possible, et imaginer les solutions avec les habitants. La nouvelle maire de Nantes, Johanna Roland, s’est fait élire sur l’idée que la ville de demain ne peut se construire sans les habitants, y compris en ce qui concerne les questions complexes, telle que la sécurité. Elle s’y emploie, avec des designers qui aident à développer les solutions avec les citoyens.
La clé dans cette démarche : s’assurer que les citoyens participent, non pas en grand nombre, mais qu’une variété de profils soit représentée. « C’est de la démocratie délibérative, les personnes échangent des arguments et contre arguments. Pour arriver à la solution la meilleure, il faut que les personnes soient les plus diverses possibles, en termes de parcours, genre, niveau social, géographie… », souligne l’adjoint au maire en charge de la co-construction et du dialogue citoyen, Bassem Asseh.
« Quand nos réunions ont lieu, ajoute-t-il, souvent le soir, certaines personnes travaillent, alors on change les horaires, mais ça peut ne pas suffire, alors on passe au numérique. Le numérique permet de diversifier le profil des personnes avec lesquelles on échange. Mais c’est un outil parmi d’autres, parce que le numérique implique de savoir écrire, et tout le monde ne sait pas ».
Clément Mabi est chercheur à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) au sein du laboratoire Costech. Ses recherches portent sur les relations entre controverses socio techniques et démocratie, la participation citoyenne et les usages politiques du numérique. Il conclue de ce débat que les outils numériques participatifs ont le potentiel d’amener une changement « radical, disruptif ». Il y aurait clairement selon lui « un avant et un après » les civic tech, notant tout de même que « finalement ces outils viennent s’insérer dans des contextes : la participation citoyenne n’a pas attendu les civic tech pour se développer ». Autrement dit : on n’a pas fini de voir les outils numériques aider les citoyens à s’impliquer en politique, mais il faut savoir prendre du recul, on parle d’évolution plutôt que de révolution…