Les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, constituent une famille de composés chimiques regroupant plus de 12 000 substances utilisées dans de nombreuses applications industrielles et domestiques. Ces dernières années, les PFAS sont devenus synonymes de polluants éternels, objets d’une défiance croissante dans l’opinion publique. Mais l’attaque généralisée contre ces substances pourrait bien viser la mauvaise cible.
Les PFAS : une famille hétérogène et des usages diversifiés
Depuis leur développement dans les années 1940, les PFAS ont révolutionné de nombreuses industries grâce à leurs propriétés chimiques uniques. Réputées pour leur résistance à l’eau, aux graisses et aux températures élevées, ces molécules sont devenues incontournables dans des produits aussi variés que les textiles techniques, les ustensiles de cuisine antiadhésifs, les mousses anti-incendie, ou encore certains dispositifs médicaux. Dans les mousses anti-incendie, par exemple, ils permettent de maîtriser des feux extrêmement difficiles à éteindre, comme ceux impliquant des hydrocarbures. Dans les textiles, ils assurent une imperméabilité recherchée par les consommateurs de vêtements techniques et sportifs.
Selon une étude de MarketsandMarkets, le marché mondial des PFAS représentait environ 20 milliards d’euros en 2022, avec une croissance prévue de 4 % par an jusqu’en 2030. Rien qu’en France, des secteurs stratégiques tels que l’aéronautique, la chimie ou les dispositifs médicaux dépendent de ces matériaux pour maintenir leur compétitivité internationale. Ainsi, les dispositifs implantables en PFAS garantissent une biocompatibilité essentielle dans des applications comme les valves cardiaques.
Parmi les PFAS, quelques brebis galeuses
Cependant, parmi les milliers de PFAS existants, quelques-uns sont considérés comme dangereux pour la santé et l’environnement. Ces composés, tels que le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluorooctane), ont été progressivement interdits en Europe depuis les années 2000 grâce à des régulations strictes comme REACH. Aujourd’hui, les industriels européens se sont tournés vers des alternatives moins persistantes et moins toxiques, appelées PFAS de nouvelle génération.
Pour limiter l’impact environnemental de leurs productions, certaines entreprises comme Arkema ou Saint-Gobain investissent massivement dans des technologies innovantes. Pourtant, malgré ces efforts, le grand public considère le secteur chimique comme un pollueur insouciant, voire inconscient. Une réputation qui ne résiste pas à l’examen des faits. On sait par exemple que 90 % des émissions de PFAS problématiques dans l’eau potable proviennent de sources historiques ou de produits importés.
Une stratégie de dénonciation contre-productive
Les ONG et certains médias ont largement contribué à populariser le terme de « polluants éternels » pour qualifier l’ensemble des PFAS. Bien que cette communication ait permis de sensibiliser l’opinion publique à l’importance des problématiques environnementales, elle a souvent généré une confusion dommageable. La récente étude de l’Anses a révélé que 50 % des Français consomment de l’eau potable contenant des traces de PFAS. Dans 90 % des cas, ces concentrations restent inférieures aux seuils réglementaires. Un Français sur deux sera cependant choqué de boire une eau qu’il considérera, à tort, comme toxique.
Par ailleurs, ce discours ignore les différences fondamentales entre les PFAS de nouvelle génération, largement utilisés en France, et leurs homologues historiques interdits. Résultat : les entreprises françaises, bien qu’en conformité avec les réglementations, se trouvent systématiquement accusées, ce qui fragilise leur image et leur positionnement sur les marchés internationaux. Elles perdent alors des parts de marché, sans même parler des frais de recherche et développement engagés pour créer des PFAS inoffensifs qui participent à la confection d’un meilleur produit.
Un risque accru pour la souveraineté industrielle
Cette stigmatisation globale a des conséquences économiques lourdes. Alors que les entreprises françaises investissent massivement dans des solutions respectueuses de l’environnement, les produits importés de pays moins régulés, comme la Chine ou l’Inde, envahissent les marchés européens. Par exemple, les textiles techniques produits localement sont progressivement remplacés par des alternatives asiatiques à faible coût, mais contenant des PFAS interdits en Europe.
Entre 2015 et 2023, la production française de textiles imperméables a ainsi chuté de 20 %, mettant en péril des centaines d’emplois. Cette situation illustre un paradoxe : alors que la France renforce ses normes, elle pénalise ses propres industriels et favorise involontairement l’importation de produits non conformes. Les entreprises meurent sans que les consommateurs s’en portent mieux.
Un dialogue nécessaire entre ONG et industriels
Face à ces enjeux, il existe pourtant des solutions pour adopter une approche plus nuancée. En Allemagne, grâce à un dialogue structuré entre ONG et entreprises, le pays a mis en place des limites différenciées selon les types de PFAS et les usages, tout en soutenant financièrement les industries dans leur transition.
En France, un modèle similaire pourrait être envisagé. La création d’un groupe de travail mixte permettrait de fixer des objectifs environnementaux ambitieux tout en accompagnant les industriels dans leur mise en conformité. Ce compromis serait bénéfique pour l’ensemble des parties prenantes : une régulation juste et efficace préserverait à la fois l’environnement et les emplois. Il est également essentiel de valoriser les efforts des entreprises locales engagées dans des pratiques responsables.
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