Au nord de Verdun, où s’est tenue l’une des plus sanglantes batailles de la Première Guerre mondiale, la pollution des sols est toujours palpable et des terres restent infertiles. En cause : la destruction d’obus chimiques de l’après-guerre dans des usines situées dans la Meuse.
1,5 million d’obus chimiques à détruire après la guerre
Pendant quatre ans, près d’un milliard d’obus ont été tirés sur un périmètre allant de la mer du Nord à la Suisse et de grandes quantités de munitions sont tombées sans exploser. « Il restait 1.700.000 tonnes de munitions à détruire, en France, à l’armistice », explique Daniel Hubé, ingénieur-géologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Après la guerre, le gouvernement décida donc de trier, de récupérer les métaux, de détruire volontairement ces obus et confia cette mission à une entreprise. Entre 1920 et 1926, l’usine Clere & Schwander détruisit 1,5 million d’obus chimiques et 300.000 obus explosifs sur trois sites, dans le canton de Spincourt, dans les villages de Muzeray, Vaudoncourt et Loison.
Des terres empoisonnées par des concentrations élevées d’arsenic
Des éléments plus complexes ont été transférés dans un quatrième site, en pleine forêt, pour y être brûlés. Ce lieu, appelé « Place-à-Gaz », a fait l’objet d’un diagnostic des sols en 2014 par le BRGM, qui avait alors révélé « la présence de métaux et de composés organiques toxiques dans le sol ».
Par la suite, le bureau d’étude a étendu ses analyses aux trois autres sites, où des concentrations élevées d’arsenic, de plomb, de zinc et de résidus toxiques de guerre ont été trouvées dans les sols.
Dès lors, 7 exploitations du canton de Spincourt se sont vu interdire la récolte et la commercialisation de produits issus de leurs parcelles. Les productions de céréales ont été détruites et le lait des vaches, jeté.
Un préjudice qui perdure et qui provoque l’indignation
Si en 2015, l’interdiction a été levée pour cinq exploitations agricoles jugées non nocives, deux exploitants ont encore certaines de leurs terres séquestrées, plusieurs étant considérées comme impropres à l’exploitation. Pour pallier ce préjudice, l’un des exploitants a reçu de nouvelles terres en compensation.
Le septième a retrouvé seulement 33 de ses 40 hectares séquestrés. Les pertes ont été lourdes pour cet exploitant qui appelle à réparation. « L’État dépense des fortunes dans les analyses des sols et des nappes phréatiques, mais excepté pour les cultures, la viande et le lait en 2015, je n’ai reçu aucune indemnisation », s’indigne Cédric Servais.
Il faut aussi considérer le nombre de « disparus au champ d’honneur » et la très grande rétissance des agriculteurs à cultiver « dans la sang des victimes ».
L’énorme travail effectué pour collecter les dépouilles durant des années ne suffira propablement jamais à purger le sol qui restera définitivement un gigantesque ossuaire.
Sans compter le risque lié aux munitions perdues et celles qui n’on pas explosées.
C’est pour cela que de larges secteurs des champs de bataille ont été laissés au reboisement naturel.