Comment les sons des activités humaines affectent les écosystèmes ? Peu d’études explorent ce sujet pourtant perçu comme une question environnementale majeure. Pour les guitares électriques, les choses commencent à se préciser : une expérience menée par une équipe de biologistes de l’Université du Mississippi révèle un pouvoir jusque là inconnu de la musique du groupe AC/DC. D’après les résultats publiés dans la revue Ecology and Evolution(1), les chansons du groupe australo-britannique, et notamment le titre « Rock’n Roll ain’t noise pollution » (Le Rock’n Roll n’est pas de la pollution sonore), diminueraient la voracité des coccinelles. Une découverte à la fois anecdotique et instructive sur la tolérance des insectes aux bruits d’origine humaine.
Les sons générés par les activités humaines dérangent-ils les insectes ?
Quel protocole a permis cette découverte ? Les scientifiques ont reproduit en laboratoire un écosystème composé de soja, de pucerons et d’un élevage de coccinelles. Avant d’exposer les habitants de ce petit microcosme à une compilation de divers genres musicaux et de sons urbains diffusée par des enceintes de PC.
Une playlist des plus éclectiques où figuraient entre autres l’album « Back in Black » du groupe AC/DC, d’autres titres rock ou de musique country ainsi que des enregistrements de sirènes ou de bruits de chantier.
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Des plantes et des pucerons indifférents au rock
L’équipe a conduit l’expérience en trois temps. D’abord pour évaluer les effets de cette pollution sonore sur les plantes et les pucerons pendant deux semaines.
Première découverte : Les sons n’ont eu aucun effet positif ou négatif sur la croissance du soja ou l’évolution de la population de pucerons.
À l’inverse, les coccinelles se sont montrées plus réactives. Un test de 18 heures appliqué aux bêtes à bon dieu a révélé que le rock et l’effervescence urbaine affaiblissaient leur appétit en pucerons.
L’ultime étape de l’expérience étudiait les conséquences indirectes sur la chaîne alimentaire. D’après l’étude, la baisse du taux de prédation de la coccinelle a entraîné par ricochet une hausse de la population de pucerons qui ont consommé davantage de masse végétale.
Des goûts musicaux difficiles à interpréter
Jusque-là, la pollution sonore s’étudiait au niveau d’un individu ou de la population d’une espèce. Rarement à l’échelle d’un écosystème. « Notre étude montre de manière exclusive que les sons anthropogènes affectent le taux de prédation et indirectement l’abondance des plantes et de la biomasse », se félicitent les scientifiques dans la revue Ecology and Evolution.
« Nos résultats démontrent aussi que les effets de la pollution sonore ne se limitent pas aux vertébrés mais peuvent aussi impacter les insectes. La plupart des recherches sur les sons d’origine humaine se concentrent sur les oiseaux et les mammifères. Cela est problématique étant donné que les insectes sont le groupe animal le plus abondant sur la planète et spécialement dans les paysages dominés par les êtres humains où la pollution sonore est la plus répandue », analysent les scientifiques.
Toutefois, ces découvertes restent difficile à interpréter. «Notre étude n’a pas été capable d’identifier le mécanisme par lequel les sons altéraient le taux de prédation », concèdent les auteurs.