Le constat est là : sur les 85.600 espèces animales et végétales répertoriées par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 24.300 sont classées comme menacées d’extinction. En cause : les humains et l’agriculture intensive, l’urbanisation, la surexploitation des ressources, la pollution, les maladies et la libération d’espèces invasives, la déforestation, et bien sûr, le changement du climat.
Des temps incertains à venir pour les animaux et les végétaux, s’inquiète l’Académie des sciences
Dans ce long rapport mis en ligne lundi 25 septembre et auquel ont contribué 32 scientifiques français, l’Académie des sciences s’est penchée sur les conséquences des perturbations climatiques sur l’évolution de la biodiversité, et en particulier sur les mécanismes d’adaptation de cette dernière et les limites de cette adaptabilité(1).
La disparition des espèces dans le monde sur le Planetoscope
Le réchauffement climatique provoque un déplacement de la biodiversité vers les pôles, les sommets des montagnes ou les profondeurs des océans. Si les espèces animales terrestres ou marines peuvent, avec de grandes disparités toutefois, suivre rapidement le déplacement de leurs niches climatiques respectives, le processus est forcément plus lent avec les végétaux et notamment pour les arbres.
Une sélection naturelle pourrait donc s’opérer pour toutes les espèces capables ni de se déplacer, ni de changer de comportement ou de tolérer des variations. Les premières victimes ? La mégafaune à démographie lente et les écosystèmes sensibles (zones humides, milieu marin…), comme on le voit déjà avec les coraux qui blanchissent et dépérissent sous l’effet d’eaux plus chaudes et acides.
Les interactions entre les espèces
« Au-delà des organismes individuels, tout l’enjeu est de tenir compte des interactions entre les espèces. Il peut y avoir une désynchronisation des réponses entre individus, de sorte que l’on ne peut pas forcément prévoir la manière dont l’ensemble d’un écosystème va s’adapter au changement climatique« , ajoute Sandra lavorel.
En effet, les dérèglements climatiques peuvent mettre en péril des espèces en limitant leur accès à la nourriture ou en perturbant les cycles de reproduction : lors d’un printemps chaud par exemple, quand les chenilles ont déjà mué en papillons alors que les petits des mésanges viennent juste de naître, ou encore que la date de floraison de certaines plantes se trouve avancée et ne correspond plus à l’arrivée des pollinisateurs.
Autre exemple dramatique d’adaptabilité animale : le hamster d’Alsace
D’abord victime de la monoculture de maïs, puis du manque de neige qui expose son terrier aux pluies accrues, il a commencé à dévorer ses petits.
Ces phénomènes globaux peuvent déboucher sur d’importants déséquilibres : maladies, surpopulation de ravageurs, mise en compétition avec la faune et la flore déjà présentes dans le cas de déplacements migratoires.
Les préconisations de l’Académie des sciences
Au terme du rapport, les scientifiques font sept recommandations, destinées aux ministères de la transition écologique, de l’agriculture et de la recherche, parmi lesquelles la création d’observatoires de la biodiversité, la multiplication des interactions entre spécialistes écologues, historiens, archéologues et géologues pour emboîter les échelles de temps, ainsi que la modélisation de scénarios.
Ils appellent aussi à renforcer la sensibilisation et l’éducation afin de préparer la société aux bouleversements de la biodiversité, et préconisent un rapprochement avec la santé publique, face au risque d’émergence de pathologies liées au réchauffement.
Le rapport suggère de revoir les politiques agroforestières, en envisageant une « migration assistée » d’essences adaptées afin de limiter le risque de dépérissement forestier, et enfin d’adopter une meilleure gestion de l’environnement afin de limiter les facteurs de dégradation autres que le changement climatique : quotas de pêche, créations d’aires protégées…
Illustration bannière : Couple de mésanges charbonières -© animalphotography.ch
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