Et si, demain, les systèmes de vidéo-surveillance, ou vidéo-protection, déployés dans les rues et les transports, étaient associés à la reconnaissance faciale et à l’intelligence artificielle ?
Un sujet de la campagne des élections régionales
Entre pass sanitaire et QR code à scanner pour accéder à des événements, la surveillance ne cesse de croître dans notre quotidien. Certains se demandent jusqu’à quel point il est acceptable de subordonner sa liberté à sa santé et à celle de la société dans son ensemble. Il en est de même en matière de reconnaissance faciale : jusqu’à quel point peut-on accepter de négocier sa vie privée et ses libertés au nom de sa sécurité et de celle de tous ?
Il faut dire que le thème de la reconnaissance faciale est remis à l’ordre du jour par la campagne des élections régionales. En Île-de-France, face au terrorisme comme au nombre croissant d’agressions, Valérie Pécresse, candidate à sa réélection, s’est prononcée en faveur de son utilisation. Une question cruciale, à l’approche tant de la coupe du monde de rugby que des prochains Jeux Olympiques. Bien que la sécurité ne fasse pour l’instant pas partie des prérogatives régionales, la région capitale est en revanche en charge des transports.
Une expérimentation dans les aéroports parisiens
Dans une interview au quotidien Le Figaro, Valérie Pécresse a souhaité « un débat national sur l’utilisation de la reconnaissance faciale à l’entrée des transports en commun, pour repérer les terroristes recherchés. Quand on prend l’avion, on l’utilise. Quand on prend le train ou le RER, non »(1). À ses yeux, il ne serait en effet pas justifiable d’être mieux protégé dans un avion que dans le train de banlieue. En région Auvergne- Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, également candidat à sa réélection, s’y est lui aussi déclaré favorable.
« J’ai assumé de déployer 80 000 caméras de vidéoprotection », dit Valérie Pécresse. « Elles ne seront vraiment utiles que si on peut avoir l’usage de l’intelligence artificielle (…) On a besoin de faire évoluer la loi. Je demande un débat national sur les aspects éthiques ». pic.twitter.com/poUgBwr0Yh
— franceinfo (@franceinfo) June 2, 2021
De son côté, Aéroports de Paris (ADP) entend expérimenter l’enregistrement par reconnaissance faciale. Tout comme il permet de déverrouiller un smartphone, le visage peut permettre de franchir les portiques de sécurité à l’aéroport. Dans les transports comme dans les rues, cette reconnaissance faciale pourrait permettre d’identifier aussi bien les terroristes fichés que les coupables d’agressions. Mais à l’heure actuelle, la loi française ne permet pas une telle pratique, dont l’usage est très strictement encadré. Si des essais ont été effectués dans le métro parisien comme à Cannes, cela n’aura été que pour quantifier l’usage du masque, sans identifier les visage.
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Vers une société de suspects ?
Derrière la captation des images et l’identification des visages se cache une autre question plus cruciale : celle de la conservation durable des images et de la constitution de bases de données. La crainte d’une omnisurveillance et d’une société où, par défaut, nous serions tous considérés comme des suspects, plane toujours sur la question.
De quoi expliquer le fait qu’un consortium d’une cinquantaine d’investisseurs représentant plus de 450 milliards de dollars d’actifs s’inquiète, au niveau mondial, des éventuelles dérives de la reconnaissance faciale.
Pour ce consortium, Candriam, les entreprises impliquées dans cette technologie doivent impérativement faire preuve de vigilance quant au respect des droits humains. « Dans sa configuration actuelle, cette technologie exploite des images sans le consentement des personnes et manque de cadre réglementaire. »
Ainsi, la police canadienne, a récemment pratiqué une « surveillance de masse » illégale des mois durant, via la société américaine Clearview AI. À cela s’ajoutent d’éventuels biais raciaux. Des géants tels que IBM et Amazon ont d’ores et déjà décidé de se retirer de ce marché, en attendant que son cadre légal ait été clarifié.