Alors que la pénurie de masques, en priorité pour les soignants, est un drame, pourquoi ne pas réfléchir à comment les recycler ?
Recycler les masques : des solutions à l’étude
Dans l’urgence, tous les pays du monde commandent des masques à la Chine, d’où est justement partie l’épidémie de coronavirus. Un paradoxe commercial et médical qui ne fait que souligner que la France n’a pas été en mesure de conserver ou préserver des capacités de production de masques de protection sur son sol. Des masques qui se doivent, pour être véritablement protecteurs, de répondre à des normes très strictes.
Ainsi, les masques FFP2 peuvent être portés 8 heures d’affilée maximum et les masques chirurgicaux 4 heures avant de devoir être jetés. Et si l’on explorait une autre piste pour lutter contre la pénurie actuelle, et les éviter à l’avenir ?
Un consortium de 19 laboratoires du CNRS et du CEA a planché sans attendre sur comment recycler ces masques utilisés par les soignants. Deux semaines auront suffi pour proposer des solutions pour que ces masques soient débarrassés de toute charge virale et conservent un niveau de performance acceptable.
La piste du lavage et de l’autoclave
Dans ces équipes pluridisciplinaires, on trouve aussi bien des médecins, virologues ou hygiénistes que des physiciens ou des ingénieurs matériaux et des industriels. Différentes solutions ont ainsi pu être testées en laboratoire de confinement niveau P3, en conditions réelles, avec le virus Sars-Cov2 : traitement par la chaleur sèche ou humide (en autoclave), oxyde d’éthylène (connu pour ses propriétés biocides) irradiation.
Quels en ont été les premiers résultats ? L’irradiation a permis de tuer virus et bactéries sur les masques chirurgicaux, de même que la stérilisation au gaz d’oxyde d’éthylène et la chaleur humide, qui consiste à mettre les masques dans un autoclave à 121° pendant 20 minutes.
Mais, étonnamment et simplement, le lavage en machine à 95° avec un détergeant fonctionne également, avec seulement une baisse de performances de 2 à 4 %. Or la réglementation européenne tolère 98 % d’efficacité, et la réglementation chinoise 95 %.
Face à la pénurie de masques on pourrait donc remplacer les commandes urgentes en Chine par des masques lavés et traités in situ, à la seule condition de disposer d’un autoclave.
Une filière industrielle à bâtir
Seul hic : il faut encore peaufiner les résultats obtenus avant d’obtenir une validation de la part des autorités, et être sûr de l’efficacité de cette solution pour celles et ceux qui les portent en première ligne.
D’autres pistes vont aussi être étudiées lors de cette phase d’étude préliminaire, notamment le fait de combiner le lavage avec d’autres méthodes de désinfection. A minima, cette piste du recyclage pourrait en tout cas constituer un plan B, une solution de repli, en parallèle des commandes massives de masques neufs.
Viendra ensuite le moment de monter, si possible rapidement, une filière industrielle. Cela est tout-à-fait envisageable, tout comme cela a été le cas pour laver le linge des personnels soignants. Les masques FFP2 utilisés seraient alors collectés, traités avant d’être remis aux soignants.
Il faudra pour cela définir, évidemment avec l’aide des spécialistes de l’hygiène et des maladies infectieuses, un circuit complet à même de garantir la sécurité de l’ensemble de la chaîne, depuis la collecte jusqu’au traitement et à la remise en service des masques. Sur ce sujet, un groupe de travail interministériel vient d’ailleurs d’être créé.
Illustration bannière : Grâce aux masques recyclés, bientôt la fin de la pénurie ? – © Mix and Match Studio