Pour rénover leurs maisons familiales, la plupart des ménages procèdent par étapes. De longs mois séparent le remplacement de la chaudière ou des fenêtres de l’isolation de la toiture. Une approche sans doute motivée par des raisons financières mais guère efficace selon une étude réalisée en juin par l’Institut négaWatt, organisme de formation spécialisé dans la transition énergétique, et la Société d’économie mixte Energies (SEM) Posit’IF pour le compte de la Ville de Montfermeil (93).
Des travaux dispersés pour une économie d’énergie dérisoire
Au contraire, leur étude prône une vision globale de la rénovation énergétique. Une condition indispensable selon eux pour garantir la performance énergétique d’un bâtiment. « L’idée, largement partagée au niveau national, que le foisonnement de travaux énergétiques conduira naturellement à la performance à terme se révèle être une illusion, faute de vision globale en amont, et de coordination des travaux », soutient le rapport de cette étude.
5,6 millions de ménages français en précarité énergétique
L’enjeu est national. Car « la stratégie actuelle de rénovation ‘par étapes’ ne permettra pas d’atteindre la performance du parc bâti en 2050 », juge cette même étude en rappelant au passage l’objectif fixé par la loi de Transition énergétique de 2015. Le temps presse car la France compte huit millions de maisons construites avant 1975.
Or, « aucune maison n’est, à ce jour, devenue performante grâce à une rénovation par étapes ». En outre, la précarité énergétique frappe 5,6 millions de ménages, « une vraie bombe à retardement ». Et les économies d’énergies escomptées par les propriétaires s’avèrent dérisoires dans la logique actuelle.
« Même si elles parviennent à des baisses réelles [de consommation N.D.L.R] de 40 % en moyenne, elles conduisent à sortir les ménages de la précarité énergétique pour quelques années seulement. L’augmentation tendancielle des prix de l’énergie condamne ces ménages à retomber dans la précarité dans une dizaine d’année », s’alarme l’étude.
Plutôt que des factures de chauffage, un prêt bonifié unique
Comment inciter les propriétaires ? Pour beaucoup, la rénovation énergétique complète d’une maison reste un luxe réservé aux ménages aisés. Pas nécessairement répondent les auteurs qui s’appuient sur des retours de chantiers du dispositif DORéMI (Dispositif opérationnel de Rénovation énergétique des Maisons Individuelles).
Pour financer l’ensemble des travaux, l’Institut NégaWatt et la SEM Energies Posit’IF proposent la mise en place d’un prêt bonifié type prêt à taux zéro. Ce nouvel outil financier transformerait « des factures de chauffage en mensualités de prêt d’un montant équivalent » pour une durée inférieure à 18 ans.
Cela permettrait aussi de rassembler en une formalité unique les 15 mécanismes nationaux de financement de la rénovation énergétique (Crédit d’impôt, aides ANAH,…). Un dispositif peu lisible pour beaucoup de ménages qui aboutit à un saupoudrage peu efficient des 4,5 milliards d’euros de fonds publics annuels.
Un prêt attaché à la pierre et non à la personne
Les échéances de ce prêt s’attacheraient à la pierre. Ce système, inspiré des modèles Pace (États-Unis) et Green Deal (Royaume-Uni), déplace la responsabilité du paiement des mensualités du propriétaire à l’usager du logement. Plus concrètement, le propriétaire est tenu par le prêt tant qu’il réside dans sa maison. La signature d’un bail engagerait le locataire à payer les mensualités en remplacement des factures énergétiques qu’il aurait fallu payer sans travaux.
« Cette approche permet d’augmenter la durée du prêt (et donc de baisser les mensualités), tout en restant dans la durée limite d’amortissement des travaux réalisés en rénovation complète et performante, qui est de plus de 25 ans », remarque l’étude. En cas de vente, l’acheteur choisirait entre solder le prêt ou le conserver.
Mobiliser l’artisanat local
Autre condition : l’absence d’offre structurée au niveau local décourage les propriétaires à engager une rénovation complète. Si les prestations de maîtrise d’ouvrage sont plutôt répandues dans la rénovation des grands bâtiments, elles sont quasi inexistantes dans les maisons individuelles ou à des tarifs trop onéreux.
Pour encourager les artisans locaux à se regrouper, l’étude préconise de les former sur des chantiers pour apprendre à maîtriser leurs coûts réels et se coordonner entre différents corps de métiers.