Des chercheurs du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy affirment avoir compris pourquoi l’encre des tatouages indélébiles résiste au temps.
Pourquoi l’encre des tatouages est-elle indélébile ? Le rôle des macrophages mis en lumière
Jusqu’à aujourd’hui, on pensait que dans le cas de tatouages, des cellules éternelles de la peau étaient teintes. Selon cette théorie, le pigment injecté dans la peau avait une durée de vie éternelle, équivalente à la cellule portant le pigment injecté dans la peau. Pour effacer toute trace de tatouage, il fallait procéder à de nombreuses et douloureuses séances de laser pour tuer ces cellules. Mais les scientifiques rejettent aujourd’hui cette idée.
En effet, sous les couches de l’épiderme tatoué, les choses se passeraient autrement. Une équipe de chercheurs de l’Inserm et du CNRS, du centre d’immunologie de Marseille-Luminy, estime que la peau contiendrait des sortes d’agents d’entretien chargés d’éliminer les corps étrangers et autres parasites du derme, baptisés sous le nom scientifique de « macrophage ». Les travaux de cette équipe dirigée par Sandrine Henri et Bernard Malissen ont été publiés, mardi 6 mars, dans le Journal of Experimental Medicine(1).
Une nouvelle technique de détatouage : l’évacuation de l’encre par les vaisseaux lymphatiques
Ainsi, dès l’instant où le pigment du tatouage est injecté dans la peau, les macrophages cherchent à éliminer ce corps étranger. « Nous pensons que, lorsque des macrophages porteurs de pigment de tatouage meurent au cours de la vie adulte, d’autres macrophages environnants recapturent les pigments libérés et assurent d’une manière dynamique l’apparence stable et la persistance à long terme des tatouages », explique Sandrine Henri qui a participé à l’étude. C’est donc un cycle qui se déroule dans le derme.
Une nouvelle technique d’effacement du tatouage pourrait-elle être mise au point ? Les chercheurs ont leur petite idée, partant du principe actuel : « Le détatouage via la technique laser peut probablement être amélioré par l’élimination temporaire des macrophages présents dans la zone du tatouage. Ainsi, les particules fragmentées de pigments générées au moyen des impulsions laser ne seront pas immédiatement recapturées : cet état augmente la probabilité de les voir évacuées par les vaisseaux lymphatiques » qui drainent la peau.
Un anticorps à adapter à l’humain pour détruire les macrophages
Un petit problème demeure. Les cristaux d’encre sont trop gros pour ces cellules nettoyeuses qui, bien qu’ayant absorbé les pigments, ne parviennent pas à les détruire, et meurent avant d’être parvenus à leur fin. On pourrait croire alors que ces cellules mortes emporteraient avec elles les pigments du tatouage, et donc le tatouage. « Ce n’est pas le cas, note Sandrine Henri. D’autres macrophages viennent prendre le relais pour capturer de nouveau l‘encre du tatouage qui, du coup, persiste, malgré l’élimination des cellules. »
Les chercheurs français souhaitent donc associer « leur technique d’anticorps spécifique combiné à une toxine pour détruire les macrophages avec le laser. Nous avons développé un anticorps pour la souris et nous allons travailler sur l’équivalent humain afin de collaborer avec des dermatologues sur de la peau humaine. La destruction très localisée des macrophages éviterait la recapture du pigment fragmenté et faciliterait son évacuation par les vaisseaux lymphatiques », selon Sandrine Henri.