Le sentiment de solitude serait-il le mal du siècle ? Le ressentons-nous partout de la même façon ? Une méta-analyse à travers 113 pays fait le point sur le sujet…
57 études menées dans 113 pays différents
Une « ultra-moderne solitude, » chantait si bien Alain Souchon. Sa chanson, apparemment, était visionnaire, si l’on en croit les résultats d’une gigantesque étude sur le sentiment de solitude à travers le monde. Les êtres humains n’ont jamais été aussi nombreux sur Terre, et nous ne nous serions jamais sentis aussi seuls ? Cela peut sembler paradoxal, même au lendemain des confinements, mais c’est aussi inquiétant.
L’équipe de recherche de l’épidémiologiste Melody Ding a rapproché les résultats de pas moins de 57 études menées sur la solitude dans 113 pays différents, entre 2000 et 2019. Une somme d’informations colossales à recouper, synthétiser et mettre en perspective. Selon les résultats parus dans le British Medical Journal, au-delà des différences géographiques, les plus de 60 ans sont les plus touchés par ce sentiment de solitude.
Le défi de mesurer la solitude à l’échelle mondiale
Pourquoi s’être penché sur le sujet ? Pour l’épidémiologiste Melody Ding, de l’Université de Sydney, professeur associé de cette méga-analyse, « selon une croyance communément admise environ une personne sur douze souffre de solitude à un niveau pouvant entraîner de graves problèmes de santé. » Cependant, « la source de ces données n’est pas claire et les chercheurs n’ont jamais établi à quel point la solitude est répandue à l’échelle mondiale. Des études antérieures suggéraient que la solitude était en augmentation dans le monde industrialisé. Mais sans données historiques sur la question, il est difficile de dire comment les chiffres actuels se comparent au fil du temps ou entre les régions géographiques. »
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Selon cette étude, les pays d’Europe du Nord présenteraient les taux de solitude les plus bas, avec seulement 2,9 % des jeunes adultes concernés par un sentiment de solitude, et 2,7 % des adultes d’âge moyen. 5,3 % des adultes âgés de plus de 60 ans ressentiraient également cette solitude. Les pays d’Europe de l’Est montreraient quant à eux plus de signes de solitude que partout ailleurs en Europe, avec un taux de solitude de 7,5 % pour les jeunes adultes, et même de de 9,6 % pour les adultes d’âge moyen. Quant aux adultes plus âgés, le chiffre les concernant est réellement inquiétant, à 21,3 %.
Des données à intégrer à la surveillance de la santé
Pourquoi de tels écarts dans le ressenti ? Ce pourrait en partie s’expliquer par les systèmes de protection sociale des pays les moins touchés. Principal bémol de cette vaste méta-analyse : le fait que l’on ne possède pas suffisamment de données concernant les adultes, expliquent les chercheurs. « Comprendre la solitude en tant que problème de santé mondial nécessite des données de la plupart des pays. Cependant, elles manquent pour la plupart des régions en dehors de l’Europe, » regrettent-ils. Impossible, du coup, concernant les adultes en Europe, de comparer les résultats aux décennies précédentes.
Pour autant, cette méta-analyse aura permis de mettre en lumière « des niveaux problématiques de solitude vécus par une proportion importante de la population dans de nombreux pays. » Pour les chercheurs qui en sont à l’origine, « la solitude devrait être intégrée à la surveillance générale de la santé avec une couverture géographique et d’âge plus large, en ayant recours à des outils de mesure standardisés et validés. »