C’est le professeur bien connu de management, Michael Porter, qui a popularisé la notion de “shared value” dans le monde des entreprises impliquées dans des démarches de type RSE. La valeur partagée est perçue comme une étape post-RSE pour les entreprises soucieuses de leur impact sur leur environnement social ou naturel. Le partage dont il est question dans la notion de valeur partagée fait allusion au partage de la valeur ajoutée de l’entreprise entre les actionnaires et les salariés de l’entreprise, de manière classique, mais aussi entre les parties-prenantes qui la concerne.
La shared-value, au-delà de la RSE
La shared-value, valeur partagée des entreprises sociales
Jusqu’alors la notion de valeur faisait surtout référence à la valeur apportée à l’actionnaire. La valeur actionnariale était d’ailleurs souvent opposée à la valeur apportée à la société ; les deux notions, parfois même présentées comme incompatibles.
La shared value, un nouveau souffle pour le capitalisme
La notion de valeur partagée de Porter ne se pose pourtant pas comme une contradiction entre les deux faces de la valeur, ce qui présente un virage important dans la pensée stratégique pour les entreprises dans les années 2000. A tel point que la notion de shared value a été présentée comme pouvant aider à la refondation d’un capitalisme en crise. Partager la valeur entre tous est donc un moyen de renforcer le capitalisme : le postulat est que ce partage est en lui-même en phase avec les attentes et les valeurs de la société dans son ensemble, et pas seulement par « le marché ».
Au coeur de l’enjeu, le partage du profit. Avec la shared value, le profit de l’entreprise ne bénéficie pas exclusivement à la rémunération de l’actionnaire et au réinvestissement par l’entreprise mais aussi, voire surtout à la société. Les entreprises sont ainsi appelées à « créer de la valeur économique en créant de la valeur sociétale ». Selon Porter en 2011, la valeur ajoutée qui se partage découle de trois sources :
- l’amélioration de la productivité,
- l’adaptation de services et des produits de l’entreprise aux besoins de la société,
- la contribution à la création de pôles de compétitivité, les « clusters ».
Partager la valeur est bénéfique du point de vue économique pour l’entreprise comme le montre l’exemple de Coca-Cola choisi par Porter.
Coca-Cola et la shared-value
Le projet du géant des sodas dans des quartiers populaires de formation de milliers de jeunes à la vente pendant deux mois a eu un double effet bénéfique. Tout d’abord, ces jeunes ont pu décrocher leur premier emploi suite à cette initiative appelée Coletivo. Ensuite, ces jeunes ont contribué à vendre plus de sodas là où ils ont effectué leur stage.
Coca-Cola a considéré que ses investissements ont été rentabilisés en deux ans et que 30 % des jeunes ont été embauchés par Coca-Cola ou ses partenaires. De son coté, dans un article de la Harvard Business Review,[1] le cabinet FSG, un cabinet de conseil international à but non lucratif expert du développement social, identifie 5 conditions au succès d’une démarche de Shared value.
Son étude avait été menée auprès d’une trentaine d’entreprises particulièrement innovantes dans le domaine social. Après avoir souligné que les entreprises, souvent montrées du doigt pour leurs pratiques douteuses ou « greenwashing », sont également capables du meilleur, FSG souligne les 5 conditions ou facteurs clés de succès nécessaires pour que les marques puissent créer à la fois de la valeur sociale et économique :
Les 5 conditions du succès pour la démarche Shared value
- Les marques doivent intégrer dans leur mission un réel objectif social,
- Elles doivent répondre à un besoin social bien identifié et bien analysé,
- Elles doivent mettre en place des mesures de suivi régulier de leurs actions, afin de pouvoir modifier les conditions de leur engagement en cas de besoin,
- La conduite du projet doit associer un maximum de collaborateurs mais le pilotage de l’action doit être concentré entre peu de mains et irréprochable,
- La cocréation en partenariat avec des intervenants externes est à la fois la meilleure approche et indispensable 9 fois sur 10.
Sincérité et bonne préparation
Mais tous les spécialistes s’accordent une condition sine qua non : une telle démarche ne peut être un gadget, elle doit être sincère et réellement partagée et soutenue par les forces vives de l’entreprise, son personnel, ses dirigeants, voire ses fournisseurs et partenaires. Une telle démarche ne s’improvise pas et doit faire l’objet d’une gestion de projet épaulée par une méthode de gestion des besoins sociétaux que l’on veut traiter.
Le credo de la shared value est simple : il est possible de produire de réelles avancées sociales tout en générant des profits. C’est en ceci que la notion diffère de la responsabilité sociale, la CSR (Corporate Social responsibility ou RSE) en ce qu’elle n’oppose pas les intérêts de l’entreprise et ceux de la société. Les stratégies de valeur partagée seront efficaces car elles sont bien conformes aux exigences de rentabilité de l’entreprise et des actionnaires.
La valeur partagée pour créer de la valeur
La politique de valeur partagée a un point commun avec la démarche d’inclusive business et l’approche Océan Bleu, comme on le verra dans notre prochain article : elle doit être bénéfique à tous ses parties prenantes. Elle doit être innovante pour pouvoir apporter de la valeur à tous sur le mode « gagnant-gagnant » pour les marques et leurs différents publics. Ainsi la valeur partagée doit permettre un alignement des intérêts de l’entreprise et de ceux de la société.[2]
Et au sein de l’entreprise, la shared value apporte des bénéfices pour 4 raisons majeures :
- L’ innovation ouvre de nouveaux débouchés rentables et durables ;
- La création de valeur partagée permet à l’entreprise de se doter ou de conforter une mission sociale d’intérêt supérieur,
- Elle est un facteur de cohésion d’autant plus puissant que les valeurs sont clairement et réellement incarnées par les dirigeants et appropriées par les salariés,
- La création de valeur partagée renforce les marques corporate, commerciale et employeur auprès de leurs publics respectifs.