C’est un sujet peu évoqué lors des débats sur l’expérimentation animale. Quel sort attend les singes des laboratoires après une vie de captivité consacrée à la recherche ? Le même que celui des autres cobayes : faute de réhabilitation, la plupart des macaques, marmousets et autres babouins utilisés dans les laboratoires français finiront euthanasiés. Pourtant quand les études ne nécessitent pas d’examen post-mortem et que leur santé le permet, ces primates pourraient être réinsérer dans des sites adaptés.
Aménager une seconde vie aux singes de laboratoire
Tout l’enjeu est de réunir les conditions d’une retraite décente. Un travail mené depuis 2004 par les chercheurs du Groupement interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche (Gircor) avec le Groupement de Réflexion et d’Action pour l’Animal (GRAAL)…
Peu d’alternatives à l’euthanasie existent mais les deux organismes viennent d’obtenir un premier succès en signant une convention avec « La Tanière ». Fondé dans la région de Chartres, ce futur refuge pour animaux devrait pouvoir accueillir entre 5 et 10 macaques par an à partir de 2019.
Le macaque, un animal social et non domesticable
Plusieurs facteurs compliquent la démarche du Gircor et du GRAAL. Primo, un primate ne s’adopte pas comme un animal de compagnie et ne peut pas vivre dans une habitation humaine. En particulier le macaque rhésus. « Pour en héberger un, il faut un certificat capacitaire délivré par les préfectures », souligne Ivan Balansard, président du Gircor et vétérinaire au bureau éthique et modèles animaux du CNRS.
En outre, « les macaques rhésus sont socialement plus structurés, extrêmement hiérarchisés et c’est très compliqué de constituer des groupes sociaux stables. Ces animaux présentent aussi un danger, une morsure peut déchiqueter un bras ou une main », ajoute le scientifique.
Engagé depuis 2004 dans la réhabilitation des animaux de laboratoires, le GRAAL a réussi à en caser une cinquantaine. C’est peu comparé aux 2.500 autres animaux placés avec succès par l’association. D’où la nécessité de structures équipées et dotées de personnel compétent notamment de vétérinaires, soigneurs et éthologues.
Les primates, cobayes de la recherche sur le cerveau
Pourquoi ne pas renoncer à l’expérimentation sur les primates ? En 2016, les laboratoires français en comptaient plus de 3.500. Selon recherche-animale.org, ils ne représentent que 0,18 % des animaux utilisés en recherche. Leur proximité avec l’être humain les rendent indispensables à la recherche, quand aucun autre modèle animal rongeur ou autre, ne peut les remplacer.
C’est notamment le cas pour vérifier l’efficacité et la non-toxicité de médicaments, ultime étape avant les tests sur sujets humains. Dans ce rôle, on trouve les macaques crabiers, l’espèce de loin la plus utilisée par les unités de recherche.
Les chercheurs recourent également aux tests sur primates pour comprendre certaines maladies et le fonctionnement du cerveau humain. « Tout ce qu’on connaît sur le fonctionnement de la physiologie du cerveau de l’homme, on le doit à ce qui a été réalisé sur le primate », affirme Ivan Balansard. Ici, ce sont les macaques rhésus qui sont mis à contribution. C’est sur eux qu’a été mise au point la technique de stimulation cérébrale profonde pour traiter la maladie de Parkinson à l’aide d’électrodes implantées dans le cerveau. Or les techniques d’exploration du cerveau actuelles, moins invasives, permettent de plus en plus souvent de ne pas devoir recourir à l’euthanasie en fin d’étude.
Des zoos allergiques aux singes de laboratoires
Quid des zoos ou des parcs zoologiques ? Sauf quelques rares exceptions, peu se montrent disposés à les accueillir. « Ces parcs recherchent des espèces avec des particularités exotiques qui peuvent intéresser le public », ironise Ivan Balansard.
Sans compter l’image négative véhiculée par l’expérimentation animale. « Certaines personnes nous traitent de ‘tortionnaires’, aussi les responsables de parcs animaliers ne sont pas prêts à accueillir les retraités des laboratoires : ils pourraient être stigmatisés par ceux-là même pour qui défendre les animaux implique forcément de vilipender les chercheurs », regrette la neuroscientifique du CNRS et de l’Inserm Martine Meunier dans un article publié par le site theconversation.com.
Autre difficulté : des singes comme le macaque rhésus ou le macaque crabier vivent en moyenne 30 ans. Les adopter engage donc pour au moins une vingtaine d’années.
Vers la création de « maisons de retraite » pour macaques ?
Mais comment financer de telles structures ? Le partenariat avec « La Tanière » ouvre une première porte. Un autre pourrait se concrétiser avec un second refuge dans les environs de Reims. Mais beaucoup reste à faire pour le Gircor et le GRAAL qui espèrent encourager l’ouverture d’autres « maisons de retraite » sans vraiment définir de modèle idéal.
« Il faut être honnête, nous ne pourrons pas réhabiliter tous les animaux », tient à prévenir Ivan Balansard.