« Ma fille est asthmatique et sujette aux allergies, mais elle est bien suivie par son médecin. Quand elle a aménagé dans sa nouvelle maison, en milieu rural, elle a dû recommencer à utiliser une pompe et augmenter la médication pour mieux respirer. Ses symptômes augmentaient considérablement lorsqu’elle était à l’intérieur. Cela nous a menés à nous demander si sa maison la rendait plus malade », explique une mère de famille. Un témoignage qui n’est pas isolé. Les Anglo-Saxons parlent du « syndrome du bâtiment malsain » (sick building syndrome).
Quels moyens pour lutter contre le syndrome du bâtiment malsain ?
Le « syndrome du bâtiment malsain » désigne une épidémie de symptômes atypiques de nature irritative, associée à un lieu construit. Éruptions cutanées, toux, nausées, céphalées, modifications sensorielles, étourdissement… La liste est longue et il s’agit d’un véritable problème de santé environnementale, bien souvent trop méconnu.
Longtemps négligée, « la qualité de l’air intérieur est un sujet de santé publique majeur », souligne Nadia Herbelot, cheffe du service qualité de l’air à l’Agence de l’environnement (Ademe), rappelant que « nous passons 80 à 90 % de notre temps en lieu clos ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime de son côté les décès dus à la pollution de l’air ambiant à 7 millions par an ! Dans sa nouvelle feuille de route présentée en 2016, l’OMS appelle le secteur de la santé environnementale et de la santé au travail à contrôler davantage la pollution de l’air au niveau local, et à renforcer son rôle de conseil dans les politiques nationales dont les choix peuvent impacter la pollution de l’air et rendre un bâtiment malsain.
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Lutte contre les bâtiments malsains : la notion de bien-être des occupants intégrée dans la RBR2020
Le choix des équipements, matériaux et produits de construction, de décoration et d’ameublement, mais aussi d’entretien et de bricolage, est donc essentiel(2). Certains pays comme la Corée du Sud se montrent plus stricts en la matière en imposant un contrôle de l’air et des systèmes de ventilation à la livraison des bâtiments neufs.
En France, la prise de conscience par les pouvoirs publics de l’importance de la question de la qualité de l’air intérieur remonte à 2004, dans le cadre du Plan national santé environnement (PNSE) et de la charte sur l’environnement. Selon ce texte, chaque individu a le droit de vivre dans un cadre respectueux de la santé.
La nouvelle Réglementation Bâtiment Responsable – RBR2020 qui entrera en vigueur en 2020, prendra en compte cette notion de bien-être des occupants. Pour l’heure, les fabricants sont contraints depuis 2013 d’étiqueter les matériaux de construction et de décoration, en précisant leur taux d’émission de composés organiques volatils (COV). Mais les meubles par exemple ne sont toujours pas concernés par cet étiquetage.
L’Observatoire de la qualité de l’air (Oqai) se concentre actuellement à déterminer avec précision les sources de cette pollution, et à en évaluer les seuils de dangerosité, afin de dresser une liste d’indicateurs permettant de cibler les produits qui devront prioritairement faire l’objet d’un l’étiquetage.
Aussi, pour lutter contre la pollution intérieure, les fabricants proposent-ils désormais des matériaux qui diminuent ou absorbent les émissions de polluants. Depuis 2006, les fabricants français se sont engagés à n’utiliser que les panneaux les moins émissifs. « Nous faisons pression sur les fabricants de colles et de panneaux pour qu’ils élaborent des produits encore moins toxiques », affirme Bertrand Demarne, directeur technique de l’Union nationale des industries françaises de l’ameublement (Unifa)(1).
Le choix des matériaux de construction pour une habitation saine
Les sources de pollution sont multiples : l’amiante contenue dans les isolants, les panneaux de particules et de fibres à densité moyenne, les contreplaqués ou plaques de plâtre, les colles, peintures, vernis et revêtements de sol.
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Exemple du bois
Un matériau naturel comme le bois peut se révéler fortement émetteur de COV comme les terpènes, selon l’essence, la méthode et la durée de séchage. Mais aussi selon les traitements chimiques appliqués sur le bois. Le temps de séchage joue en particulier sur l’émission de ces composés. En outre, la majorité des bois reconstitués sont réalisés avec de colles à base de formaldéhyde dont le taux présent dans le logement les premiers mois est potentiellement dangereux pour la santé.
Identifier le ou les matériaux qui rendent le bâtiment malsain
Si la ventilation et l’aération sont primordiales pour entretenir un habitat sain, elles demeurent insuffisantes. En effet, éliminer les sources de pollution dans un logement représente une gageure. À l’intérieur, on peut compter jusqu’à 900 composés organiques volatiles (COV) différents. Certains comme le benzène et le formaldéhyde sont même classés « cancérogènes » par l’OMS. Ces substances sont également suspectées d’effets sur le système nerveux et hormonal. Outre les effets des COV, le développement des moisissures peut aussi provoquer de réactions allergiques. En Europe du Nord, ces organismes microscopiques, de la famille des champignons, sont présents dans 20 % à 40 % des constructions.
Pour mieux comprendre l’évolution de ces facteurs polluants, le ministère de l’Environnement, l’ADEME et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ont lancé un programme de recherche baptisé Primequal, sur la qualité de l’air dans les environnements intérieurs(3). L’étude présentée en février 2017 confirme le développement de polluants microbiologiques. Ces champignons microscopiques affectionnent particulièrement les espaces clos : « Parmi eux, figurent les micromycètes, champignons microscopiques, capables de proliférer sur la plupart des matériaux de construction et de décoration dès lors qu’ils disposent de conditions environnementales adaptées ».
Un diagnostic réalisé par des professionnels
Pour aider un patient à identifier les sources de polluants dans son logement, son médecin traitant peut faire appel à un conseiller médical en environnement intérieur (CMEI). « Jusqu’alors, les médecins qui suspectaient l’impact de l’environnement intérieur dans les allergies n’avaient aucun moyen de le vérifier, au-delà de ce que le patient leur racontait », explique Béatrice Caullet, CMEI au laboratoire d’hygiène de la Ville de Paris. Durant un peu plus d’une heure, le conseiller va examiner le logement du patient pour repérer les éventuelles causes allergènes, réaliser des prélèvements d’air et de poussières pour établir son diagnostic.
Ainsi une dame souffrant d’une aspergillose a pu guérir suite au diagnostic établi par le CMEI. Mis en cause dans son appartement, l’isolation du plafond faite d’une couche de mousse et de planches de bois traitées qui ne devaient pas être utilisées pour l’aménagement intérieur dégageaient encore, trois ans après la pose, un taux de formaldéhyde dont la teneur était au moins 3 fois supérieure au seuil recommandé. « Ce n’est pas cela qui a causé l’aspergillose – un champignon a aussi été détecté – mais les solvants ont pu aggraver les symptômes », souligne la conseillère. La malade a été invitée à retirer son double plafond. Il ne s’agit pas d’inciter au démontage de toutes les garnitures présentes dans nos habitats, mais il est clairement admis que la sensibilisation sur ce sujet est encore nettement insuffisante.
Pour en savoir plus et trouver conseiller en environnement intérieur, rendez-vous sur ww.cmei-france.fr