Entre béton et bitume… remettons des arbres dans la ville ! C’est le crédo de Stefano Boeri, architecte milanais créateur de la « forêt verticale » (Il Bosco Verticale) récemment inaugurée à Milan. « Si un seul arbre peut faire du bien à la ville et à ses habitants, une forêt urbaine peut représenter une aide extraordinaire pour améliorer la qualité de santé et de vie dans une ville ! » assure-t-il.
Stephano Boeri et le manifeste Urban Forestry
Invité d’honneur au MIPIM, qui est le salon de référence à destination des professionnels de l’immobilier et qui se tient jusqu’au 16 mars au Palais des Festivals de Cannes, il a animé jeudi 15 mars, la conférence #Makeourplanetgreenagain, un appel international pour le développement de la biodiversité urbaine, invitant tous les acteurs de la ville (politiques, architectes, promoteurs, etc.) à prendre en compte quelques chiffres éloquents :
- D’ici 2030, 60 % de la population mondiale vivra en ville .
- Aujourd’hui, les villes consomment déjà 75 % des ressources naturelles et sont responsables de plus de 70 % des émissions globales de CO2.
Or on le sait, les émissions cumulées de CO2, ainsi que celles de méthane et d’autres gaz de serre, contribuent au réchauffement global de la planète, à la fonte des glaciers, à la réduction de la biodiversité, à la montée du niveau des océans…
Combattre l’ennemi… dans son camp
La solution, il la voit donc dans les arbres : ceux-ci absorbent chaque année 40 % des émissions de combustibles fossiles, malgré l’érosion des forêts partout dans le monde ; leurs feuilles et racines absorbent le CO2 à travers la photosynthèse, et aident à faire diminuer les substances polluantes présentes dans l’air (responsable d’un pourcentage croissant de maladies respiratoires et de morts prématurées dans les villes).
Ainsi, la ville, qui est aujourd’hui en grande partie responsable du changement climatique et lieu de pollution, pourrait se changer… en solution pour y remédier : il suffirait de la transformer, en augmentant significativement le nombre des arbres et des forêts urbaines… Et ainsi, souligne Stefano Boeri, « combattre l’ennemi dans son propre camp » !
Aux côtés d’Hélène Chartier, conseillère du C40 (rassemblement international des maires engagés sur les questions climatiques à New-York) et responsable du concours «Reinventing cities» de Jean-Louis Missika, vice-maire de Paris et responsable du Grand Paris, Stefano Boeri a annoncé lors de cette conférence le lancement officiel de son Manifeste pour l’Arbre Urbain (« Urban Forestry« ), à Mantoue en Lombardie, le 28 novembre prochain, à l’occasion du tout premier Forum Mondial sur le sujet, organisé par la FAO (Food and Agriculture Organization).
Ce sera « un mouvement global sur la végétalisation urbaine, qui pourra contribuer à réduire drastiquement la pollution, la consommation énergétique et l’effet ‘îlot de chaleur urbain‘, améliorant ainsi la biodiversité des espèces vivant en ville, rendant celles-ci plus sûres, plaisantes et salubres »
Multiplier les « forêts verticales »
Cela passera par diverses actions :
- protéger et augmenter les surfaces vertes dans les coeurs urbains,
- créer de nouveaux parcs et jardins,
- transformer les toits des villes en prés et forêts,
- transformer les murs d’enceintes en barrières vertes et façades plantées, les cours en oasis vertes,
- promouvoir l’agriculture urbaine,
- créer un réseau de « couloirs verts » (chemins plantés…) connectant entre eux les parcs et les bâtiments végétalisés,
- multiplier le nombre de ces derniers, et notamment les « forêts verticales« .
La première forêt verticlae : Il Bosco Verticale
La première de celles-ci, en Europe, c’est donc le spectaculaire Bosco Verticale inauguré récemment au centre de Milan (un projet chiffré à 65 millions d’euros). Un hectare de végétation est intégré aux deux tours résidentielles de 80 et 110 mètres de haut, et sur les 27 étages de chaque tour, les végétaux transforment les larges balcons (3,5 m de profondeur) en jardins luxuriants.
Pour pouvoir accueillir les arbres, ces balcons audacieux, placés en quinconce, ont été conçus en acier renforcé et équipés de bacs à terreau d’une capacité de 5 m3 chacun. Les parapets mesurent 1,30 m, et un système de grillage électro soudé et de sangles maintient les plantes en place discrètement, pour parer aux coups de vent.
900 arbres minutieusement choisis
Chênes verts, noisetiers de Turquie, hêtres, frênes, oliviers, pruniers, cerisiers et pommiers… Il a fallu deux années d’études aux botanistes italiens pour choisir, planter et installer les 900 arbres, en sélectionnant les essences selon plusieurs critères :
- absence d’allergènes et d’épines,
- résistance au vent et aux parasites,
- maintien de la forme après élagage,
- pouvoir anti-polluant par la fixation des micro-poussières présentes dans l’air….
Ils devaient aussi avoir un feuillage caduque, afin de laisser entrer la lumière et la chaleur du soleil en hiver. Ils ont été plantés à taille adulte (3 à 9 mètres de haut), avec 5.000 arbustes plus jeunes et 11.000 plantes couvrantes. Un système de filtration des eaux usées permet de les arroser sans gaspillage, grâce aux eaux déjà utilisées par les occupants pour le ménage, la vaisselle ou la douche.
Bosco verticale est aussi doté de panneaux solaires, et exploite l’énergie géothermique.
Pluies de papillons
Primées par le prestigieux International Highrise Award 2014, ces deux tours végétalisées ont donc commencé à accueillir, au terme des cinq ans de travaux, leurs premiers occupants… humains, mais aussi, insectes et oiseaux ! En effet, plus de 1.200 coccinelles ont été relâchées sur les tours avec des papillons : elles permettront de lutter efficacement et écologiquement contre les parasites – et notamment, les pucerons ! Des nids et mangeoires pour chauves-souris ont également été prévus…
Une seule incertitude demeure : comment réagiront les locataires, si les chauve-souris et abeilles viennent trop souvent leur rendre visite ? Sauront-ils s’abstenir d’asperger leur balcon de produits anti-moustiques (chimiques) et leurs végétaux d’engrais (également chimiques) ? Un documentaire de la BBC nous le dira : l’équipe a installé ses caméras juste en face, dans la tour UniCrédit, pour épier et filmer pendant deux ans, avec leur accord, le quotidien des occupants de cette drôle de « tour végétale », pour l’instant unique au monde !
Pour en savoir plus sur le Manifeste Urban Forestry : www.wfuf2018.com