L’interaction entre le corps et l’esprit se manifeste au quotidien et pourtant, l’idée la plus courante est de considérer le corps d’un côté et les mouvements de l’esprit de l’autre. Fidélité de notre culture à la pensée cartésienne, le potentiel de cette interaction reste inexploité. L’éternelle dualité corps-esprit relève de débats abstraits, loin de notre « day by day »… Alors à quoi ressemble la réalité ? Celle que l’on sent et que l’on peut observer par nous-mêmes ?
Les matins où l’on se lève du pied gauche…
Arrêtez-vous un instant et souvenez-vous de l’autre matin, au réveil… Vous débarquez dans le salon, pieds nus, et, d’un coup, votre petit orteil se cogne sur le coin de la table basse. Aïe ! La douleur est brutale. Au même moment, un membre de votre tribu pose une question anodine « Où sont les céréales ? Je ne les trouve pas ! » … Ce matin-là, alors que la nuit fut bonne et réparatrice, la réponse fuse aussi sec « Si tu ne les trouves pas, c’est qu’il n’y en a plus ! Débrouille-toi ! ». Vous êtes soudain de très mauvaise humeur. Deux ou trois autres contrariétés nourrissent la matinée qui commence mal.
La journée se prolonge dans l’humeur tendue d’un travail prenant, trop prenant. Vous rentrez le soir avec un mal de tête assourdissant. Ce matin-là, jusqu’au soir, vos sensations corporelles ont exercé une influence sur vos émotions, lesquelles ont teinté vos pensées. Cela fonctionne ensuite dans l’autre sens, ces mêmes pensées ont engendré des émotions qui se sont manifestées dans votre corps. Ni vu ni connu, le choc du petit orteil, ce matin, est lié au mal de tête du soir…
Prendre conscience des émotions et mécanismes intérieurs
Pour mieux comprendre la mise en scène de ce type d’événement, encore faut-il identifier quels en sont les acteurs et leur imbrication. Qui entre en jeu ?
La sensation, l’émotion et la pensée. À elles trois, elles sont à l’origine des phrases comme « il y a des jours où il ne faut pas sortir du lit ! » et participent grandement à des questions existentielles comme : « Pourquoi c’est toujours sur moi que ça tombe ? »
De la sensation à la perception
La sensation, évoquée dans l’article précédent sur la sensorialité, est l’information émise par un organe sensoriel lorsqu’il est stimulé par l’extérieur (la lumière, la musique, une odeur) ou l’intérieur (gargouillis du ventre, contraction de la nuque…).
Sa seule mission : renseigner. À ce moment là, la sensation n’est ni agréable, ni désagréable, elle est. Lorsque son « message » atteint le cerveau (lieu du traitement de l’information), la sensation est alors teintée positivement ou négativement. C’est le résultat du travail de la perception qui se définit comme « le traitement des sensations par la conscience ». Il existe toujours un décalage entre la réception du message et son traitement, même si celui-ci ne représente qu’un millième de seconde.
Ce matin, Pauline est dans le bus plus tôt que les autres jours. Elle observe sa voisine d’en face qui regarde défiler le paysage par la fenêtre. Elle pense à la journée qui l’attend. Pauline trouve cette femme très antipathique car elle perçoit son visage comme dur et sévère. Elle lui rappelle son ancienne maîtresse d’école dont elle avait si peur.
Entre le moment où Pauline pose son regard sur cette femme et où cette impression lui vient, un temps infime s’est écoulé. Son cerveau a traité l’information visuelle, pour lui livrer une perception du sujet regardé. Ce traitement est réalisé grâce à divers critères : son éducation, son passé, sa culture… D’ailleurs, Pauline ne le sait pas mais juste à côté d’elle, Paméla a aussi contemplé le visage cette femme et l’a trouvé triste… Voire même mélancolique, comme sa tante.
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