Vrai Faux produits artisanaux : la moutarde de Dijon

Le saviez-vous, le nom moutarde de Dijon n’est malheureusement pas une appellation d’origine contrôlée (AOP ou IGP). Il n’est donc pas juridiquement protégé. Explications.

Rédigé par Annabelle Kiéma, le 4 Aug 2022, à 9 h 15 min
Vrai Faux produits artisanaux : la moutarde de Dijon
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Saviez-vous que 80 à 95 % des moutardes de Dijon vendues en France sont en fait des moutardes canadiennes ?

Fabrication de la moutarde de Dijon

La moutarde de Dijon fait partie de ces fleurons de la gastronomie française, au même titre que nos centaines de fromages ou que nos précieux vignobles.
Ce condiment est très largement apprécié partout dans le monde. La moutarde est d’ailleurs placée en 3ème position des condiments les plus consommés après le sel et le poivre. On en mange quotidiennement dans la plupart des foyers français, et la moutarde est devenue incontournable dans le domaine de la gastronomie.
En France, on produisait 85 000 tonnes/an de pâte à moutarde par an, mais, en 2022, le secteur de la moutarde Française fait face à de grosses pénuries en raison des aléas climatiques.

La moutarde est fabriquée à partir de toutes petites graines noires, brassica nigra. Il en faut 500 000 pour fabriquer 1 kilo de condiment. Ces graines sont réduites en farine à laquelle on mélange du verjus. Selon les recettes, d’autres ingrédients peuvent y être ajoutés comme du vinaigre, du vin blanc, du miel, etc. Les ingrédients autorisés sont rassemblés dans une liste figurant dans le décret 2000-658.

Le saviez-vous ? – Quand la moutarde vous monte au nez

La graine de moutarde « telle quelle » ne pique pas. C’est lors du processus de fabrication que deux des composés présents dans la graine, la sinigrine et la myosine se mélangent pour se transformer en isothyocyanate d’allyle, une molécule aromatique qui confère le piquant. On retrouve cette même molécule dans le raifort et dans le wasabi.

Le piquant est détecté par la langue qui envoie un message au nerf trijumeau et qui, en passant à proximité du nez, nous donne tout simplement envie d’éternuer !

Moutarde de Dijon : une appellation non protégée

La dénomination moutarde de Dijon ne bénéficie d’aucune protection quant à son origine. Elle désigne plutôt un certain procédé de fabrication. Ainsi, selon un décret datant du 10 septembre 1937 et toujours en vigueur : « La dénomination moutarde de Dijon est réservée à la moutarde en pâte fabriquée avec des produits tamisés (ou blutés). La teneur de cette moutarde en extrait sec total ne doit pas être inférieur à 28 % ; la proportion de téguments ayant échappé au blutage ne peut excéder 2 % ».
En revanche, la moutarde de Bourgogne a obtenu en novembre 2009 une Indication géographique protégée (IGP). Ce signe garantit que que la production des graines de moutarde et du vin blanc, ainsi que leur transformation se déroule en Bourgogne.

moutarde

© Dream79

Autrement dit, rien de spécifique quant au lieu de production !

Ce décret a fait suite à une querelle entre des moutardiers parisiens et des moutardiers dijonnais. En effet pour la petite histoire, à l’origine, on fabriquait de la moutarde dans diverses villes. C’était le cas à Paris, à Meaux, à Bordeaux, à Tours ou encore à Reims.

En fait, on fabriquait de la moutarde avec le vin qui tournait et que l’on recyclait alors en vinaigre. Ce n’est qu’à partir du XIVème siècle que la Bourgogne se spécialise. En effet, au Moyen-Âge, les Ducs de la ville de Dijon lui permirent de devenir populaire : ils en expédièrent 300 litres à la Cour de France. La ville de Dijon avait comme devise « Moult me tarde » et la Bourgogne en fit une de ses spécialités.

En 1937, durant le procès opposant les moutardiers, la Cour de Cassation statua que l’appellation correspondait à une recette et non à un terroir

moutarde

© Sandipan Panja

En outre, depuis la fin du 19ème siècle, la production locale de graines de moutarde ne suffisait plus au développement galopant de l’industrie condimentaire. Il a donc fallu importer des graines. La culture de la moutarde disparut de Bourgogne dans les années 1950, puisque son rendement était trop faible. Elle fut remplacée par le colza et le tournesol plus rémunérateurs pour les agriculteurs.

Depuis lors, la plupart des « moutardes de Dijon » que l’on trouve dans nos supermarchés et même sur les marchés tout court ne proviennent pas de la ville, ni même de Côte d’Or. En outre, l’ingrédient principal est importé en masse : 95 % des graines de moutarde proviennent de l’importation. Le Canada fournit à lui seul 80 % des besoins, le reste étant couvert par les États-Unis, la Hongrie, la Roumanie et le Danemark. Production mise à mal par la guerre en Ukraine et la vague de chaleur de l’été 2021 au Canada figurent parmi les causes de cette difficulté d’approvisionnement en Europe.

La moutarde de Dijon n’a donc plus grand-chose de Dijonnais !

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, on comptait près de 170 fabricants de moutarde.
Aujourd’hui, il n’en reste qu’une petite dizaine en France qui continuent de fabriquer la moutarde de manière artisanale. L’une d’entre elles, la moutarderie Edmond Fallot perpétue la tradition familiale depuis 1840.

Quant au numéro 1 de la moutarde de Dijon en Grande Distribution Amora-Maille, c’est depuis 1999 qu’il appartient au groupe Unilever. En 2009, Unilever réorganise ses sites de production et ferme l’usine historique de Dijon et celle d’Appoigny dans l’Yonne. La production de moutarde est transférée sur le site de Chevigny-Saint-Sauveur. Le site fabrique aujourd’hui la totalité de la moutarde Amora et Maille vendue en France et dans le monde, mais à partir de graines importées pour la plupart du Canada.

La moutarde dans les recettes de grand-mère

La moutarde est non seulement plébiscitée pour le petit goût indispensable qu’elle confère aux viandes ou aux vinaigrettes, mais aussi pour ses nombreuses vertus.

Elle est utilisée, depuis des siècles dans de nombreuses régions du globe comme une plante médicinale aux propriétés digestives et antiseptiques.

Nos grand-mères se servaient de la moutarde sous forme de cataplasmes pour guérir le rhume, atténuer les troubles respiratoires ou soulager les rhumatismes et autres éruptions cutanées.

Illustration bannière : Moutarde de Dijon – © Pixel-Shot

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Je fais partie de ce qu’on appelle désormais les « slasheurs » : je suis rédactrice / sophrologue / et j’enseigne le français comme langue...

12 commentaires Donnez votre avis
  1. Pappypat Alors pourquoi les produit Amora Maille moutarde mayonnaise cornichon on un code barre qui commence par 8 ??????

  2. pourquoi de nos jours la moutarde n’est plus aussi forte q avant

  3. Bonjour

    En fait je trouve que depuis quelques années la moutarde ne nous monte plus au nez! Je viens de passer à la moutarde bio c’est mieux mais là aussi après quelques jours d’ouverture elle ne pique plus…pourquoi? Sa fabrication a donc du changer…étant donné qu’on en consomme soit disant beaucoup les industriels ont du trouver astucieux de la faire moins piquer afin qu’on en consomme encore plus!!!! avez vous un avis la dessus? merci

    • enfin un jugement factuel!
      j’ai aussi remarqué que la moutarde ce n’est plus ce que c’était.
      NE PARLONS PAS DE MOUTARDES DOUCE QUI SONT PLUS DES MAYONNAISE QUE LE LA MOUTARDE §§§§!!!

      ce n’est pas que la moutarde soit le condiment le plus marquant de ma jeunesse, mais son gout reste dans mémoire indélébile. Et c’était tout sauf de la mayo que l’on essai de nous vendre aujourd’hui.

      vive la moutarde la vrai! celle que l’on ne risque pas de manger à la petite cuillère .

      il n’y a que la moutarde qui moutarde !!!

  4. Les Dijonnais savent que les moutardes de Dijon sont celles de marque Edmond Fallot (plus facile à trouver, faite à Beaune) et l’excellente Reine de Dijon (plus difficile à trouver, faite à Fleurey-sur-Ouche, tout à côté de Dijon). Les autres sont plus industrielles, donc moins locales…

  5. article intéressant mais sujet trop confidentiel!
    pourquoi les instances ne se mobilisent pas?? peur des frais de justice??
    C’est le même problème que les couteaux de Laguiole… »made en asie »et importés par des escrocs Français!!parfois même par des boutiquiers ….de Laguiole
    où sont les politiques, où sont les associations pour faire modifier et respecter quelques principes?
    la preuve même avec M.Copé maire de Meaux on trouve du brie de Meaux fabriqué un peu partout et très peu de la région !!!

  6. Une petite dizaine de fabrications artisanales en France dites-vous. Qu’en est-il pour la moutarde de Reims? Et celle de Charroux dans l’Allier (03) ?

    • Seul le village de Bigot en Vilaine produit sa propre moutarde locale.
      Les autres production sont issues d’Asie, d’Europe Centrale et d’Afrique sub Saharienne.
      Concernant les autres régions, je ne sais pas vraiment.
      On dit qu’un village du Vercors produirait de la moutarde à base d’abats de poisson d’eau douce, revitalisés…

  7. Bonjour,
    Autrement dit la moutarde vendue en supermarché contient des OGM puisque les graines viennent du Canada surtout.
    Merci de l’information…

    • çà ne m’étonne pas ce n’est plus la moutarde d’avant!

  8. Effectivement, il n’y a plus beaucoup d’usines de moutarde en Bourgogne et je ne me souviens plus si j’en ai revu à Dijon même.
    La seule marque que je connaisse dans le secteur est celle d’Edmond Fallot mais qui me semble-t-il n’est pas basée à Dijon même mais plutôt vers Beaune. Ils travaillent depuis quelques années sur une nouvelle appellation de moutarde de Bourgogne (avec réintroduction de la culture de la graine de moutarde dans la région). Donc quand je vais dans le secteur, j’en ramène toujours un peu.

Moi aussi je donne mon avis