Réuni le mercredi 3 avril dernier, le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) se débattait autour de plusieurs sujets visant à faire évoluer les règles régissant cette filière agricole. Celui de la mise en place d’un encadrement des pratiques de chauffage des serres en bio n’avait pu être tranché par faute de consensus parmi les acteurs de la filière… Le vote avait donc été reporté.
Alors que la prochaine réunion du CNAB est prévue le 11 juillet prochain, les deux organisations principales que sont la Fédération de l’agriculture biologique (FNAB) et le Synabio (le syndicat national des entreprises agroalimentaire bio) s’inquiètent de ce que leur demande de moratoire n’ait pas été entendue et décident de mobiliser l’opinion publique contre le chauffage des serres bio, et pour « faire interdire cette pratique qui se développe avec l’industrialisation de l’agriculture biologique ».
Le chauffage des serres : contraire aux valeurs de l’agriculture bio
La pétition, lancée par la Fédération de l’agriculture biologique (FNAB) et le Synabio (le syndicat national des entreprises agroalimentaire bio, aux côtés de Réseau Action Climat, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme et Greenpeace France, réclame l’interdiction de la production de fruits et légumes bio sous des serres chauffées hors saison, une « aberration gustative, agronomique et environnementale, en contradiction profonde avec les valeur portées par la bio ».
Pour les auteurs de cette pétition veulent que le public comprenne que la Bio, au-delà de la (simple) production de fruits et légumes sans pesticides, c’est aussi une philosophie, un projet de société qui allie alimentation de qualité, respect de l’environnement et de la biodiversité et juste rémunération des agriculteurs.
Des serres bio chauffées au fioul ou au gaz ?
Pour chauffer une serre pour produire des légumes ou des fruits hors saison, il faut du fioul ou du gaz. Cela va donc à l’encontre du cahier des charges bio qui impose le « respect des cycles naturels » et une « utilisation responsable de l’énergie ».
Chauffer une serre pour produire des tomates ou des concombres en plein hiver ne peut donc pas être compatible avec l’agriculture biologique.
Selon une étude FoodGES de l’ADEME, une tomate produite en France sous serre chauffée est responsable de 8 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’une tomate produite en France en saison, et de 4 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’une tomate espagnole importée !
De plus pour rentabiliser leurs serres chauffées, les producteurs doivent se spécialiser sur une ou deux culture(s) à forte valeur ajoutée. Car comme l’explique Sophia Majnoni, déléguée générale de Fédération nationale d’agriculture biologique sur France-Culture, « les systèmes fondés sur le chauffage doivent, pour être rentables, se spécialiser sur des monocultures à forte valeur ajoutée comme la tomate ou le concombre, avec à la clef moins de rotations et un appauvrissement de la terre ». Ce qui contrevient encore aux principes de l’agriculture biologique, contraire à la démarche agronomique défendue par ce modèle.
Dans le texte originel soumis au vote du CNAB en avril dernier stipulait que : le « chauffage des serres est possible » mais seulement « dans le respect des cycles naturels, lorsqu’il utilise des ressources renouvelables produites sur l’exploitation ». Mais pour les acteurs de l’agriculture non-biologique, de telles règles désavantageraient les agriculteurs français face à leurs concurrents, et reviendraient anéantir une production bio française de qualité.
Contre l’industrialisation de l’agriculture bio
La (FNAB) et le Synabio craignent également une industrialisation du bio. L’augmentation de la demande pour les produits bio risque de faire entrer la filière dans les mêmes logiques productivistes et industrielles que l’agriculture dite conventionnelle, et on pourrait ainsi voir de plus en plus de producteurs convertir leurs serres en bio et les chauffer en hiver.
Si ce phénomène est pour l’instant négligeable, il pourrait prendre de l’ampleur rapidement, avec déjà plusieurs centaines d’hectares de serres en bio en projet, souvent portés par les grands noms de la production de fruits et légumes.
Pour en savoir plus et signer la pétition « Pas de tomate bio en hiver : non aux serres chauffées ! », rdv ici
Suite et fin de l’affaire : Le chauffage des serres autorisé mais sous conditions
Illustration bannière : Tomates sous serre – © Plant Pathology