Plan Ecophyto, la chronique d’un échec annoncé

En 2008, le gouvernement lançait le plan Ecophyto pour réduire l’utilisation des pesticides de 50 % en 10 ans. Force est de constater que ce plan n’a pas fonctionné avec non pas une diminution des pesticides, mais une augmentation de leur utilisation de 5 % par an. Décryptage de l’ échec du plan Ecophyto…

Rédigé par Camille Peschet, le 9 May 2018, à 8 h 00 min
Plan Ecophyto, la chronique d’un échec annoncé
Précédent
Suivant

En 2018, 10 ans après le lancement du Plan Ecophyto et à la date limite initialement fixée à ce moment-là, quelles sont les causes de son échec ? Y a-t-il des paramètres à modifier pour permettre à ce programme – qui en est à sa 2e version, d’atteindre l’objectif de réduire de moitié l’utilisation des pesticides, dont l’échéance a été repoussée à 2025… dès 2015 déjà ? Et enfin, malgré le constat négatif, quelles avancées ce plan a-t-il tout de même permis jusqu’ici ?

Échec du plan Ecophyto : une approche tournée vers la recherche d’un meilleur usage et non d’un changement de modèle

Une des causes importantes de cet échec est l’approche du problème. En effet, le plan a été tourné vers une approche d’amélioration des techniques et non d’un changement de système en profondeur. Les industriels se sont alors pleinement engouffrés dans cette brèche, mettant en avant les progrès fait sur les techniques d’épandages, le meilleur ciblage pour une agriculture raisonnée avec une communication sur cette baisse quantitative alors que le nombre d’agents actifs lui ne diminuait pas bien au contraire.

plan ecophyto

Insecticides pulvérisés dans un verger © Fotokostic

Des indicateurs peu adaptés

Dans cette perspective, les indicateurs utilisés, comme le QSA (Quantité de Substances Actives), l’IFT (Indicateur de Fréquence de Traitement) et le NODU (NOmbre de Doses Unités) ne permettent pas d’évaluer correctement la dépendance aux pesticides et sont contestés dans leur mode de calcul.

En effet pour qui sait manipuler ces indicateurs, il est aisé de baisser artificiellement les résultats. Ainsi l’utilisation des produits pré-mélangés contenant plusieurs substances actives compte moins en IFT que l’application de deux produits simples. Les chiffres obtenus sont donc un jeu de manipulation plutôt qu’une véritable diminution.

Un système socio-technique très verrouillé

Dans son approche, le Plan Ecophyto a négligé le verrouillage d’un système socio-technique où les agriculteurs ne pouvaient à eux seuls, changer les pratiques. En effet, dans ce système, chacun est lié par la vente de produits phytosanitaires :

  • pour les industriels, c’est un marché à ne pas perdre
  • pour les agriculteurs, c’est une obligation de bonne récolte au regard des frais engagés pour l’achat des produits phytosanitaires.

De plus, le verrouillage de ce système permet difficilement aux acteurs présents en son sein d’imaginer des voies alternatives.

Une communication renforçant ce verrouillage

Dans ce contexte de main lourde pour l’utilisation des pesticides, une action a été contre productive : celle de l’envoi de SMS très brefs à l’ensemble d’une région quand une menace de parasite ou de maladie se profilait.

échecplan ecophyto

Attaque de parasites sur du maïs © dimid_86

En effet, recevant ces alertes les agriculteurs ont eu tendance à pulvériser par prévention alors qu’ils pouvaient être loin de la zone concernée ou peu menacés. D’autant qu’il est plus facile de remédier à un problème de rendement ou de constat de maladie par un intrant. Cette pratique est renforcée par les techniciens agricoles qui préfèrent proposer ces solutions avec peu de crainte de se tromper.

Lire page suivante : quelles leçons tirer ?

Pour vous c'est un clic, pour nous c'est beaucoup !
consoGlobe vous recommande aussi...



Portée par un cadre familial m'ayant sensibilisée à une consommation responsable et en faveur d'une production énergétique renouvelable, je me suis...

4 commentaires Donnez votre avis
  1. Tant que les agriculteurs traiteront leurs cultures, les abeilles disparaîtront et donc plus de pollinisation, mais il sera trop tard.
    La FNSEA gros syndicat prône le recours aux pesticides à outrance et pas du tout l’agroécologie, la rotations des cultures ou le bio, il doit avoir des subsides des sociétés chimiques, ce sont les assassins de la biodiversité.
    Tant que les agriculteurs n’auront pas compris qu’ils courent à leur perte, ils continueront de s’enfoncer et à s’endetter à outrance. Le libéralisme agricole fait des ravages irréversibles.

  2. les produits chimiques ne disparaissent pas ils sont rémanant et reste des dixaines d’années sur les terres puis dans le nappe phréatique puis dans l’eau de robinet
    encore des aides pour payer les intrans et demander 8 à 10 ans encore et plus , dans dix ans ils demanderont encore dix ans ( excuse = désolés on n’y est pas encore arrivés)et pendant ce temps la ils augmentent le nombre et les quantités de produits chimiques déversés dans la nature;
    on (les exploitants) n’y arrive pas à cause du réchauffement MAIS c’est eux la cause du réchauffement et ils veulent encore du temps pour apprendre des méthodes qu’ils ont refusés et abandonnés il y a plus de 50 ans les anciens savaient faire
    les nouveaux exploitants ont besoin de pseudo techniciens à la botte de bayer monsanto (ils sont trop C.. )pour décider eux même des cultures à faire et des traitements à ne pas faire bonjour d’un terrien

  3. Il ne faut pas oublier que les produits les plus toxiques et écotoxiques diparaissent progressivement. On oublie souvent que la toxicité moyenne des pesticides a été divisée par 8 en quelques décennies. C’est un peu comme si on jugeait la pollution automobile par le nombre de véhicules sans tenir compte du fait que l’électrique remplace progressivement le diésel. Comme les produits qui restent sont moins efficaces, il est nécessaire d’en utiliser plus pour avoir le même résultat même si on ne les utilise qu’à bon escient… Le réchauffement climatique a aussi accentué la pression de plusieurs bioagresseurs. L’agroécologie est évidement un concept intéressant mais c’est un changement qui demande entre 8 et 10 ans et de nombreuses aides pour garantir un revenu décent aux agriculteurs pendant la période de transition.

    • « La toxicité moyenne des pesticides a été divisée par 8 en quelques décennies »…Par 8 je n’en sais rien, mais une foultitude de produits commercialisés sans contrôle suffisant ont été retirés du marché en catastrophe au vu de leurs effets désastreux, le Lindane est l’un des plus connus mais il y en a bien d’autres.
      En revanche le choix de la pulvérisation haute pression retenu depuis plus de 20 ans pose de gros problèmes:
      -Avantages : moins de volume de produits à l’hectare, moins de pollution des sols traités car le produit ne « pisse » plus en grosses gouttes …
      -Inconvénients majeurs : le brouillard ainsi généré touche beaucoup plus l’agriculteur en train de traiter , mais de plus à la moindre brise les molécules en suspension couvrent une surface bien supérieure au champ lui-même, contaminant les hectares avoisinants, leurs végétaux, toute la faune et micro-faune qui s’y trouvent.
      On nous chante la diminution des hectolitres de traitements grâce à cette technique…vrai, …et pourtant on n’a jamais connu depuis ces 20 dernières années un tel effondrement de la population d’insectes de tous ordres,sauterelles, libellules,abeilles, guêpes et maintenant bourdons, de toutes les variétés de passereaux…Les « petits organismes » succombent en masse, les plus gros prendront plus de temps mais çà viendra, quand leur système immunitaire ne pourra plus faire face.
      Je suis inquiet pour nos enfants et petits-enfants. Et je suis en colère face à l’inconscience de tous ces intérêts coalisés pour des profits à court terme, prioritaires sur un équilibre environnemental qui s’effondre et s’enfonce vers une irréversibilité plus qu’inquiétante.
      C’est effarant et invraisemblable.

Moi aussi je donne mon avis