L’éducation à la suédoise : l’école comme lieu de vie
Visiter une école en Suède peut être une expérience assez déstabilisante si l’on reste bloqué sur une définition trop classique de l’espace propice à l’enseignement : ici pas de classe silencieuse ni de tables disposées frontalement face à un professeur que l’on écoute presque religieusement mais une classe fourmillante, voire parfois bruyante, avec des enfants attablés ou pas, qui discutent et échangent avec leur professeur par petits groupes. Dans ces conditions, ceux qui souhaitent s’isoler pour réfléchir en silence, sont priés d’utiliser des casques anti-bruit mis à disposition.
L’élève vu comme enfant : l’épanouissement avant tout
Même si cela peut surprendre, il règne, la plupart du temps, une bonne ambiance où l’enthousiasme et la vie sont manifestes pour peu qu’un pédagogue averti veille au grain. Les enfants sont en général décontractés et peu exposés au stress, ils s’expriment librement et leurs opinions très franches sont appréciées des professeurs qui les accompagnent pour canaliser leur énergie parfois débordante.
Les enseignements sont calibrés pour obtenir l’attention maximum des enfants, et des périodes de repos et de récréation sont régulièrement proposées aux enfants. Jusqu’à l’âge de dix ans, les enfants finissent en général vers 13h30 ou 14h et environ une heure plus tard pour les plus âgés. L’après-midi est consacré à des activités de loisirs.
Avant d’être un élève, l’enfant est une personne qui a, avant tout, besoin de s’épanouir pour apprendre efficacement. On considère que l’enfant doit pouvoir jouer ou pratiquer des activités artistiques ou sportives qui contribuent à son équilibre et à son bien-être physique et mental, tous deux nécessaires à un apprentissage efficace.
La pédadogie et la créativité plutôt que la performance et la compétitivité
Dans l’éducation à la suédoise, on considère que la pédagogie est fondamentale pour un enseignement de qualité. La formation des enseignants comporte donc une part pédagogique très importante et incontournable. Il est en général, impossible d’enseigner dans les écoles suédoises s’il on ne dispose pas d’une solide formation pédagogique, et ce, même si, par ailleurs, on a fait des études très brillantes.
Chaque enfant est perçu comme un potentiel à développer et pour identifier ce potentiel, il faut comprendre les enjeux de la relation enseignant-élève et être à l’écoute des besoins de l’enfant. Aucun enfant n’a envie de s’ennuyer ou de ne rien faire, s’il ne répond pas à certains stimuli, il peut répondre à d’autres. Le rôle de l’enseignant est avant tout de découvrir ces leviers chez l’enfant, et de les activer pour lui permettre de s’épanouir.
L’école suédoise, un lieu d’expérimentation
Enfin dernière caractéristique de l’école suédoise, son caractère expérimentatif. Alfred Nobel n’est sans doute pas par hasard né en Suède, et cet inventeur génial résume assez bien le caractère curieux et l’intérêt très suédois pour les nouveautés conceptuelles ou technologiques, et surtout cette envie d’être les premiers à s’en emparer.
Un exemple pour illustrer cette caractéristique suédoise : la théorie du genre. Tandis que chez nous, la théorie du genre provoque de violents débats, elle suscite en Suède des idées de mise en pratique depuis une bonne vingtaine d’années.
Plusieurs établissements scolaires ont décidé d’expérimenter des projets éducatifs où l’on refuse toute notion de différenciation entre les sexes avant un certain âge pour donner la possibilité aux enfants de s’affranchir de stéréotypes trop forts dans notre société moderne et aller vers une égalité plus grande entre les garçons et les filles. Même si ces écoles ont suscité des débats en Suède, personne n’a empêché leur ouverture ni leur développement.
Deuxième exemple controversé même en Suède, mais que l’on a décidé de tenter dans la plupart des écoles suédoises : la mise à disposition d’un Ipad pour tous les enfants scolarisés afin de leur permettre de mieux maîtriser la lecture. Il est aujourd’hui beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions de cette expérimentation, mais elle est déjà en place en Suède sans que cela n’ait suscité de réactions négatives de la part des parents.
Cette propension nationale à l’expérimentation contribue aussi à faire de l’éducation à la suédoise un système à part. Même si des voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer les dérives de ce système d’éducation, et si les mauvais résultats des dernières études du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) rendent nécessaires de nouvelles réformes, la particularité du système suédois continue d’intriguer : il a le mérite d’alimenter la réflexion et le débat sur l’école de demain.