Oeufs de poulaillers domestiques : ne les consommez plus, alerte l’ARS d’Île-de-France

L’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France a récemment publié une étude qui met en évidence la présence généralisée de trois polluants organiques persistants (POP) dans les oeufs, les sols et l’environnement urbain de la région. Cette pollution est potentiellement nocive pour la santé. L’étude, qui s’est concentrée sur les sols et les oeufs de 25 poulaillers situés dans les zones urbanisées d’Île-de-France, a révélé que 21 des 25 poulaillers produisaient des oeufs non comestibles.

Pourquoi avoir choisi de s’intéresser aux oeufs comme indicateurs d’une possible pollution aux dioxines, furanes et PCB ? Car ils sont riches en lipides, ce qui favorise la concentration de ces substances dans les corps gras.

Au fait, que regroupe le terme POP ?

Différentes familles de composés sont regroupées sous le terme POP, tels que les dioxines (PCDD), les furanes (PCDF) et les polychlorobiphényles (PCB). Les dioxines et furanes sont des sous-produits non souhaités de la combustion de déchets, ainsi qu’issus de certains processus industriels tels que le blanchiment de la pâte à papier. Leur présence dans l’environnement est principalement due aux émissions passées et actuelles des incinérateurs et de certaines industries. Toutefois, grâce aux progrès des traitements, les émissions de ces molécules ont fortement diminué au fil des années.

Les PCB sont des molécules synthétiques utilisées en masse au cours du 20e siècle pour différentes utilisations, en raison de leurs propriétés physico-chimiques. Depuis 1987, leur production et leur utilisation sont interdites, explique sur son site Internet l’ARS d’Île-de-France. Leur présence dans l’environnement est principalement due aux anciens usages urbains (adhésifs, huiles, peintures…), ainsi qu’aux pollutions accidentelles et localisées.

Les POP ont une longue durée de vie, puisqu’ils peuvent demeurer dans l’environnement plusieurs décennies après l’arrêt complet de leurs émissions. Ils ont une grande affinité pour les graisses et s’accumulent dans les tissus adipeux des organismes vivants tout au long de la chaîne alimentaire. L’alimentation est ainsi la principale voie d’exposition de la population générale aux POP.

Des niveaux de contamination 40 à 50 fois supérieurs aux seuils réglementaires en vigueur pour les oeufs commercialisés

Sur les 25 sites étudiés, 11 sont situés loin des incinérateurs, qui sont considérés comme la principale source de pollution. Quand bien même éloignés, ces sites éloignés sont contaminés par des polluants organiques persistants (POP). Deux de ces sites présentent même des niveaux de contamination 40 à 50 fois supérieurs aux seuils réglementaires en vigueur pour les oeufs commercialisés. L’Agence Régionale de Santé (ARS), qui conclut donc à une contamination de l’environnement urbain généralisée en région parisienne, affirme qu’elle ne peut pas être attribuée exclusivement aux incinérateurs. L’ARS enquête actuellement pour déterminer l’origine précise de cette pollution, d’autres sources étant susceptibles d’y contribuer.

Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), contactée par Que Choisir, cette pollution est produite lors de la combustion et est donc liée à diverses industries (y compris les incinérateurs), au trafic routier, mais surtout au chauffage domestique qui émet des dioxines et des furanes dans l’atmosphère, polluant ainsi les sols après dispersion.

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La consommation d’oeufs contaminés : d’importants risques pour la santé

Les molécules polluantes sont rejetées dans l’atmosphère et finissent par se déposer sur le sol. Les poules qui picorent ces sols contaminés produisent donc des oeufs contaminés. Selon l’ARS, la consommation de ces oeufs contaminés présente plusieurs risques pour la santé, tels qu’une augmentation des risques de cancer, des troubles de la fertilité et de la grossesse, l’augmentation du risque de développer un diabète, mais aussi des effets perturbateurs endocriniens.

L’ARS souligne qu’il n’existe aucun traitement permettant d’éliminer ces substances de l’organisme. Par conséquent, la principale mesure de prévention consiste à éviter de consommer des produits alimentaires présentant les niveaux de contamination les plus élevés.

Si vous possédez un poulailler en Île-de-France, évitez donc de consommer les oeufs produits. D’autres grandes villes pourraient également être potentiellement touchées par ces mêmes pollutions. En janvier dernier, la préfecture du Rhône a d’ailleurs recommandé d’éviter la consommation de produits alimentaires issus de poulaillers situés dans la région, à la suite d’analyses effectuées dans plusieurs sites lyonnais.

Si malgré tout, vous souhaitez continuer à consommer les oeufs de votre propre poulailler, l’Anses préconise quelques mesures pour limiter leur exposition aux contaminants :

• Tout d’abord, évitez de laisser vos poules picorer le sol, car cela peut les amener à ingérer de la terre, de l’herbe et des insectes contaminés.
• Il est préférable de leur fournir une alimentation équilibrée et de distribuer leur nourriture dans des mangeoires.
• Évitez de brûler des déchets verts à proximité du poulailler et d’amender le sol avec des cendres.
• Pour diversifier vos sources d’approvisionnement en oeufs, vous pouvez alterner avec des oeufs provenant du commerce. Ces derniers sont soumis à des réglementations stricts concernant leur teneur en dioxines/furanes.

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Pourquoi les oeufs d’élevage ne sont-ils pas concernés par cette alerte de l’ARS ?

L’étude menée par l’ARS ne concerne que les poulaillers non professionnels, tels que ceux appartenant à des particuliers, des jardins collectifs ou des fermes pédagogiques. Les pratiques d’élevage dans ces types de poulaillers peuvent en effet varier considérablement, avec une alimentation des poules plus ou moins équilibrée, amenant ces dernières à chercher des compléments alimentaires dans le sol, ce qui augmente ainsi les risques de contamination des oeufs.

En outre, les poules sont souvent conservées plus longtemps que dans un élevage professionnel, ce qui augmente d’autant plus le risque d’accumulation de polluants organiques persistants, explique l’ARS d’Île-de-France sur son site Internet.

Enfin, les oeufs commercialisés sont également soumis à des contrôles stricts de conformité à la réglementation européenne concernant les denrées alimentaires. Les élevages professionnels permettraient ainsi de mieux contrôler l’exposition des volailles aux polluants, affirme l’ARS. La recommandation de non-consommation des oeufs ne s’applique donc qu’aux poulaillers non professionnels, pour lesquels les niveaux de contamination peuvent par ailleurs être très variables.