Notre sang bientôt toxique pour les moustiques ? La science s’en approche
Une étude publiée dans Science Translational Medicine dévoile une arme aussi discrète qu’efficace contre le moustique principal vecteur du paludisme

Le 26 mars 2025, une étude publiée dans Science Translational Medicine dévoile une arme aussi discrète qu’efficace contre le moustique Anopheles gambiae, principal vecteur du paludisme : la nitisinone, une molécule capable de transformer le sang humain en poison létal pour l’insecte. Ce traitement, déjà approuvé pour d’autres usages médicaux, pourrait bouleverser l’approche actuelle de la lutte contre cette maladie parasitaire. L’idée ? Ne plus seulement protéger les humains, mais anéantir l’ennemi au moment même où il tente de se nourrir.
Pour lutter contre le paludisme, tuez les moustiques
L’approche est radicale. Oubliez les sprays, les moustiquaires, les répulsifs en tout genre. Les chercheurs de la Liverpool School of Tropical Medicine veulent injecter le danger directement dans le sang humain. Leur objectif : faire de chaque goutte de sang une arme fatale pour le moustique.
À l’origine de cette trouvaille, un médicament bien connu dans les cercles médicaux : la nitisinone, utilisé dans le traitement de maladies héréditaires comme la tyrosinémie de type 1. Cette molécule, en bloquant l’enzyme HPPD (hydroxyphénylpyruvate dioxygénase), empêche la dégradation de la tyrosine, un acide aminé essentiel. Or, les moustiques hématophages, en particulier Anopheles gambiae, ne supportent pas l’accumulation de cette molécule.
Les tests sont sans appel. Des moustiques ayant ingéré du sang de patients traités au nitisinone sont tous morts en moins de douze heures. Mieux encore : la substance reste active dans le sang jusqu’à seize jours après la première administration. C’est trois fois plus long que son prédécesseur, l’ivermectine, longtemps considérée comme la référence en matière de lutte pharmacologique anti-vectorielle.
Quand le poison devient collectif : vers une immunité de groupe mortelle pour les moustiques
Mais pourquoi viser les moustiques plutôt que la maladie elle-même ? La réponse est limpide : le parasite responsable du paludisme, Plasmodium falciparum, ne peut être transmis que si le moustique survit assez longtemps pour se reproduire. En ciblant les adultes porteurs, la chaîne de transmission est brisée avant même qu’elle ne commence.
« Il n’existe pas de solution miracle contre le paludisme. Et je ne pense pas qu’il y en aura un jour », avertit George Dimopoulos, biologiste moléculaire à la Johns Hopkins University, dans National Geographic. La stratégie n’est donc pas de soigner, mais d’éliminer l’agent infectieux. L’espoir est d’instaurer une immunité collective pharmacologique : plus il y a d’humains traités, moins il y a de moustiques pour transmettre le parasite.
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Poison ciblé, promesses multiples : efficacité, durée, sélectivité
Ce qui différencie la nitisinone de ses prédécesseurs n’est pas seulement son efficacité, mais sa précision. Contrairement à l’ivermectine, neurotoxique pour de nombreuses espèces non cibles, la nitisinone ne semble affecter que les insectes hématophages. En clair, la molécule ne tue pas les pollinisateurs, ne contamine pas les sols via les excrétas, et pourrait donc être intégrée à un cocktail d’actions anti-vectorielles : moustiquaires, insecticides, vaccins, et traitements préventifs.
Cependant, la prudence est de mise. Les chercheurs réclament des essais de terrain rigoureux, notamment pour évaluer les effets secondaires à grande échelle, la rémanence environnementale et la tolérance sur le long terme. Le défi n’est pas tant scientifique que logistique. Et économique. Car derrière l’innovation se cache une réalité brutale. La nitisinone, en l’état, est un médicament onéreux, inaccessible à grande échelle pour les régions les plus touchées par le paludisme.
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