Par quelle magie se rappelle-t-on des odeurs du passé ?

Certaines odeurs sont indissociables dans notre esprit de tel ou tel souvenir. Comment est-ce possible ?

Rédigé par Valérie Dewerte, le 8 Dec 2023, à 16 h 00 min
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Un buis sous le soleil d’été, un figuier dans un jardin, le parfum favori d’un être cher… C’est fou comment certaines odeurs peuvent nous rappeler un souvenir. Il n’est aucune magie dans cela : tout est d’ordre neuroscientifique.

350 protéines de récepteurs olfactifs de nos narines

Au-delà de la vue et de notre toucher, tant notre goût que notre odorat nous permettent d’interagir avec notre environnement, et de percevoir les molécules et substances, notamment dangereuses, qui s’y trouvent. Certes, contrairement à bien des espèces animales, l’espèce humaine n’est pas ou plus en mesure de détecter les phéromones. Mais le pouvoir des odeurs sur les humains demeure pour autant puissant.

Impossible d’oublier le livre Le Parfum, de Patrick Suskind. Son héros sans odeur comprend que « qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le coeur des hommes », et entreprend, quitte à tuer, la réalisation d’un parfum pouvant dominer et asservir les hommes.
Sans aller, heureusement, jusque-là, les 350 protéines des récepteurs olfactifs de nos narines identifient les odeurs pour nous. C’est bien moins que chez les animaux : une simple souris en possède plus d’un millier.

odeurs du passé

Le chien possède près de 220 millions de récepteurs olfactifs, contre seulement 5 millions pour l’humain – © Marina Plevako

Lire aussi : Aromachologie : le pouvoir des odeurs

Utiliser une odeur comme déclencheur

Ainsi, tel un puzzle olfactif, chaque odeur spécifique active une certaine combinaison de récepteurs olfactifs. Ces informations atteignent ensuite le cortex cérébral via le thalamus. Mais comment se fait-il que certains stimuli d’origine olfactive soient conservés plus longtemps dans notre mémoire que des souvenirs d’origine visuelle ?
Des expérimentations ont démontré que l’on peut plus aisément évoquer un souvenir personnel lié à une odeur particulière en utilisant cette odeur comme déclencheur.

L’odeur constituerait-elle donc le plus puissant stimulus à associer à nos souvenirs quand nous voulons conserver de notre passé émotionnel ? Cette mémoire dite associative fait le lien dans notre cerveau entre événements, personnes, et éléments auditifs et olfactifs. Le fait que cette odeur nous fasse nous remémorer un souvenir est dû à l’action d’une zone précise du cerveau, le lobe temporal médian, regroupant l’hippocampe, l’amygdale (région des émotions) et une région corticale nommée le cortex rhinal.

Marcel proust les madeleines

Quelle est votre madeleine ?

À la recherche du temps perdu
L’odeur des madeleines, telle qu’évoquée par Marcel Proust dans son chef-d’oeuvre, incarne la puissance évocatrice des sensations olfactives. Ces petites pâtisseries deviennent le déclencheur d’une cascade de souvenirs enfouis, propulsant le narrateur dans un voyage introspectif à travers le temps.

La madeleine, simple objet du quotidien, devient le sésame magique ouvrant la porte des mémoires oubliées. L’odeur sucrée et beurrée agit comme un catalyseur, ramenant à la surface des moments enfuis, réactivant des émotions perdues dans l’obscurité du passé.
Proust dépeint magistralement la façon dont une simple sensation olfactive peut raviver des instants fugaces, révélant la richesse complexe de l’expérience humaine et la manière dont le temps s’entrelace avec nos souvenirs.

Des cellules contrôlées par la dopamine

Une étude publiée en 2014 dans la revue Nature, dans laquelle 17 rats avaient été entrainés à mémoriser un chemin grâce à des odeurs, avait permis de déterminer scientifiquement que l’association entre odeur et lieu active deux zones du cerveau, le cortex entorhinal et l’hippocampe(3). Mais dorénavant, on sait même quelles cellules sont impliquées dans cette association.

odeurs du passé

Les odeurs ont un réel pouvoir sur nous – © VGstockstudio

En effet, une autre étude, également parue dans la revue Nature en septembre dernier, a démontré quel type de cellules était responsable de l’acquisition de nouveaux souvenirs associatifs(2). Situées dans le lobe temporal médian, elles sont contrôlées par la dopamine. Cette molécule biochimique permet la communication au sein du système nerveux, et est d’ordinaire associée à la sensation de plaisir. Mais elle permet aussi aux cellules de faire un lien entre une situation ou une personne et un élément olfactif ou auditif. Ou comment faire d’un souvenir un plaisir.

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